Et si l’Iran venait au secours du Liban à la demande du Hezbollah?

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s’est dit prêt à demander l’aide de l’Iran pour pallier la pénurie d’essence au Liban. Le parti chiite semble moins touché par la crise qui frappe le pays grâce au soutien constant de Téhéran. Cette stabilité économique et politique le rendrait plus populaire, estime un membre du parti de Dieu.
Sputnik

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Le secrétaire général du Hezbollah a donné une allocution télévisée le 8 juin, retransmise en direct à l’occasion du trentième anniversaire de la création de la chaîne Al-Manar. Comme à l’accoutumée, il a abordé tous les sujets de politiques intérieure et extérieure du Liban. Il s’est également voulu rassurant sur son état de santé, alors qu’il était apparu affaibli et malade lors de son dernier discours, le 25 mai dernier. «Je vous remercie tous pour votre sollicitude, je suis avec vous et parmi vous», a-t-il déclaré. Le dirigeant est surtout longuement revenu sur la crise économique qui secoue le Liban.

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L’économie du pays du Cèdre est en effet littéralement exsangue: la livre libanaise a dégringolé à 14.000 pour un dollar au marché noir et le salaire minimum a perdu environ 90% de sa valeur. De ce fait, Hassan Nasrallah a évoqué la possibilité de se rendre en Iran afin de «négocier» l’importation à Beyrouth de mazout et d’essence «si l’État libanais n’a pas le courage de le faire lui-même» pour résoudre les pénuries. À en croire un cadre du Hezbollah avec qui nous nous sommes entretenus sous couvert d’anonymat, «compte tenu de la crise, cette proposition fait sens.»

«Toutes les régions du Liban souffrent de la crise: manque de médicaments, pénurie d’essence et de diesel, rationnement d’électricité, prix élevés des denrées alimentaires. Partout sans exception au Liban, le chaos sécuritaire, les problèmes et les vols sont devenus réguliers», déplore-t-il au micro de Sputnik.

Mais «les endroits les plus sûrs sont les zones d’influence du Hezbollah, car il maintient lui-même la sécurité», affirme-t-il. Les régions contrôlées par le parti, à savoir le sud du pays, la plaine de la Bekaa et le sud de Beyrouth, semblent moins touchées par la crise. En avril dernier, le parti a ouvert une chaîne de supermarchés intitulée «Al-Sajjad», dans laquelle on retrouve des produits en provenance de Syrie, d’Irak et d’Iran. Fort d’un soutien étranger, le Hezbollah se substituerait ainsi à l’État libanais.

L’Iran verse 700 millions de dollars par an au Hezbollah

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Contrairement aux autres partis politiques qui peinent à recevoir un soutien étatique, le Hezbollah peut toujours compter sur l’aide régulière de Téhéran. De fait, en raison de l’influence iranienne au Liban, les monarchies du Golfe bouderaient de plus en plus l’économie libanaise. Les chiffres reflètent d’ailleurs la diminution des relations économiques avec le Golfe ces dernières années. Les exportations libanaises vers l’Arabie saoudite ont littéralement fondu, passant de 427 millions de dollars en 2014 à 128 en 2018. Le constat est le même avec les Émirats arabes unis, les importations ayant chuté de 374 millions de dollars à seulement 37 sur la même période.

De son côté, l’aide iranienne au Hezbollah reste constante. En 2020, elle n’atteignait pas moins de 700 millions de dollars. Pour le membre du Hezbollah, la stabilité économique du puissant parti libanais pourrait convaincre les autres formations politiques «du bienfait d’un commerce avec l’Est.»

«Alors que le pays a trop longtemps été dans la sphère d’influence américaine, le Hezbollah est le seul parti à proposer une alternative en commerçant avec l’Est. L’aide étrangère du parti provient de l’Iran et également des dons de la communauté chiite», résume le cadre du Hezbollah.

Le parti de Dieu recevrait des subsides de la diaspora chiite présente en Afrique de l’Ouest, en Amérique du Sud, mais également en Europe. La situation économique et politique du parti contraste donc avec celle des autres partis qui ont subi de plein fouet la crise sociale d’octobre 2019.

25.000 hommes du Hezbollah contre le coronavirus

«Tous les partis politiques ont été ébranlés par la révolution du 17 octobre, seul le Hezbollah est resté uni», estime notre source au sein de celui-ci. Pourtant, le parti chiite était au cœur des critiques de la rue libanaise. Le mouvement d’octobre 2019 reprochait au Hezbollah sa mainmise sur les institutions du pays. Balayant les critiques, le membre du Hezbollah explique que «le parti n’a pas été à la tête de ministères importants au cours des 30 dernières années.» Arrivé au Parlement en 1992, il n’hérite de plusieurs ministères qu’à partir de 2005. Mais selon notre interlocuteur, la stabilité politique du parti résulte de «la solidité et de la résistance de ses membres».

De surcroît, le parti de Dieu peut également compter en temps de crise sur un important maillage associatif. Plusieurs organisations humanitaires proches du parti fourniraient une aide médicale, éducative et théologique. Commentant l’initiative de Hassan Nasrallah sur la possibilité de se fournir en pétrole iranien, «ça sera pour tous les Libanais», précise-t-il.

«Cette action ne se fera pas uniquement pour la communauté chiite. Elle sera nationale, comme l’a toujours fait la résistance. Le Hezbollah veut préserver la pluralité des communautés religieuses et aider tout le peuple libanais», lance le militant.

Et le Hezbollah n’en est pas à son coup d’essai. En pleine période d’épidémie du coronavirus, celui-ci n’avait pas lésiné sur les moyens. En avril 2020, le parti avait mobilisé plus de 25.000 volontaires pour désinfecter les rues, apporter les premiers soins et fournir des médicaments et de la nourriture aux plus nécessiteux. «Quand les Libanais voient comment le parti se comporte avec son propre environnement, il gagne en popularité», se félicite notre interlocuteur, qui reste néanmoins conscient que le parti de Dieu n’est pas prêt de faire consensus au Liban:

«Malgré les initiatives du parti de proposer une alternative économique et politique pour sortir de la crise, plusieurs forces politiques font obstacle aux solutions et essayent de resserrer l’étau sur le Hezbollah en faisant le jeu de l’Amérique et de ses agents», conclut-il.
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