L'IHU Méditerranée Infection Marseille dirigé par Didier Raoult, probablement le professeur le plus charismatique et le plus controversé de France, aurait enregistré un cluster de Covid-19 entre mi-mars et début avril. Sept personnes ont été contaminées, d’après les témoignages anonymes recueillis par L'Express auprès de plusieurs employés de l'IHU, de l'hôpital de la Timone (AP-HM) ou travaillant en contact direct avec ces établissements.
Selon ces témoignages, parmi les contaminés il y aurait un technicien de l’IHU, qui a d’abord été traité avec l’association hydroxychloroquine-azithromycine, puis placé en réanimation dans un état grave. De même, un praticien hospitalier «proche de Didier Raoult» a été hospitalisé à la même période. Il a également été traité selon le protocole prôné par le professeur. Le praticien a subi une hospitalisation prolongée, mais dans les deux cas, les malades se sont rétablis.
Quatre autres personnes, dont des membres du personnel administratif travaillant dans un open-space, ont été testées positives sans développer de formes graves de la maladie.
«La plupart des proches de Didier Raoult ne portent pas le masque», souligne auprès de L’Express un employé de l'IHU.
Le professeur contaminé?
Toujours d’après des employés de l’IHU, le professeur Raoult, dont le bureau se trouve au même étage que l’open-space en question, aurait été testé positif à la même période. Ils avancent une hypothèse, sans pour autant apporter de preuve concrète: il «a passé un test sous X» quand il y a eu six cas de Covid, et il est revenu positif.
«Nous sommes persuadés que c'était le sien, mais il a démenti, et comme c'est un test sous X, il n'y a aucun moyen de le retrouver», poursuivent les employés auprès de l’Express.
Pour rappel, à cette période, le professeur s’est rendu au Sénégal où il a été reçu par le Président sénégalais et a été élevé à la dignité de commandeur de l'ordre national du Lion, distinction la plus haute du pays.
Réunions sans geste barrière
De plus, toujours selon L’Express, le professeur continuait d’organiser des réunions de travail et des séminaires «où les gestes barrières sont peu voire pas respectés, tout ça alors que le cluster était en cours».
Par exemple, le 16 avril, au cours d’une conférence sur l'épidémiologie du Covid-19, près de la moitié des participants ne portaient pas le masque et se trouvaient à moins de deux mètres de distance, rapporte le magazine.
Pression pour l'hydroxychloroquine
Bien que le protocole que le professeur défend depuis plus d’un an n’ait pas trouvé de consensus parmi les scientifiques et soit considéré comme un traitement ne présentant pas assez de preuves, il est maintenu à l’IHU.
«Aujourd'hui, si vous venez à l'IHU pour un Covid-19, on vous donnera tout de même de l'hydroxychloroquine avec de l'azithromycine et du zinc. Les médecins qui n'en prescrivent pas sont peu nombreux parce qu'ils redoutent que le logiciel interne de l'IHU – qui permet à la direction de suivre les prescriptions – les trahisse. Et ceux qui ne veulent vraiment pas en prescrire inscrivent de fausses déclarations dans ce logiciel, afin d'avoir la paix», témoigne une source interne.
Le professeur lui-même ne cesse de proclamer l’efficacité de son protocole.
«Il y a toute une partie de l'IHU qui fonctionne en vase clos, avec un chef qui n'est jamais contredit et qui exerce une véritable emprise, qui n'hésite pas à écraser et à mépriser publiquement ceux qui ne sont pas d'accord avec lui», pointe une employée de l'IHU.
Par ailleurs, M.Raoult émet des doutes sur la vaccination et avance que le taux de protection des vaccins anti-Covid est d’environ 50%. En avril, dans son interview à BFM TV, il a refusé de dire s’il avait été vacciné, notant cependant que la majorité du personnel de son IHU avait été vaccinée.
L’IHU Méditerranée silencieux
Contacté par Sputnik, l’IHU Méditerranée Infection Marseille n’a pour l’heure pas encore réagi.
La veille, Yanis Roussel, en charge de la communication de l'IHU, s’est refusé à tout commentaire pour L’Express.
Quant à son directeur, il a publié sur Twitter une citation qui peut aider à percer sa pensée.
«Je suis pour ma part très choqué du principe de dénonciation anonyme qui permet à n’importe qui de porter un doute sur les travaux de n’importe qui […]. Aujourd’hui on est dans un système où des gens anonymes peuvent semer le doute sur des scientifiques qui a priori sont de renom en ne risquant rien», reprenant ainsi la citation d’Antoine Petit, chercheur et directeur général du CNRS.
Début mars, des médias français avaient révélé les prix exorbitants des consultations dans l'établissement de Didier Raoult: jusqu’aux 1.264 euros le rendez-vous. Le professeur avait alors dénoncé une «fake news».