Des dealers s’approprient la route et coulent des dos-d’âne pour freiner la police de Cavaillon

Pour protéger leur trafic des descentes de police, des dealers ont maçonné des ralentisseurs dans une cité de Cavaillon. Une forme d’appropriation du territoire qui inquiète les autorités.
Sputnik

La lutte contre le trafic de drogue se heurte à l’inventivité des dealers dans certains quartiers difficiles. Après les coupures d’électricité, les destructions de caméras de surveillance, voici qu’apparaissent des dos-d’âne pour ralentir les forces de l’ordre.

Deux ralentisseurs en béton armé ont en effet été installés par les trafiquants dans la cité du Dr Ayme, à Cavaillon, rapporte France 3. Coulés très rapidement, ils visaient principalement à gêner la circulation des forces de l’ordre, tout en témoignant d’un savoir-faire certain.

«Même avec une Peugeot 5008, on passait difficilement. Ces dos-d'âne étaient bien plus imposants que les ralentisseurs habituels, ils ont été montés rapidement, en une nuit seulement, avec grand professionnalisme», explique ainsi à la chaîne de télévision, Bruno Bartocetti, secrétaire national Unité SGP Police FO chargé de la zone Sud.

Les installations ont finalement été retirées par des agents municipaux, sous contrôle de la police.

La cité du Dr Ayme est connue pour être une plaque tournante du trafic de stupéfiants dans le secteur. Les saisies de drogues y sont fréquentes. Il y a quelques semaines, les forces de l’ordre avaient encore mis la main sur 643g d'herbe, 449g de résine de cannabis, 95g de cocaïne, cachés dans une sacoche.

Les règlements de compte se sont également multipliés ces derniers temps. Fin avril, Tarik Mansouri, un trentenaire à la tête d’un réseau de drogues dans la cité, avait ainsi été criblé de balles au volant de sa voiture. Quelques jours auparavant, un individu avait été séquestré et violenté, ses agresseurs tentant de lui faire régler une dette de stupéfiants.

Territoires perdus de la République

Ces dos-d’âne improvisés symbolisent une forme d’appropriation du territoire par les dealers, au même titre que les barrages artisanaux, faits de palettes ou de chariots, qu’on a pu voir dans certains quartiers de Marseille. Une mainmise de plus en plus patente, qui reflète aussi le désengagement de l’État dans ces zones.

«Il y a deux explications à l'appropriation grandissante des quartiers par les trafiquants de stupéfiants: la structuration du réseau, parfois digne de vraies entreprises, et l'abandon de ces territoires par les services publics», explique ainsi à France 3 Jean-Baptiste Perrier, directeur de l'Institut de sciences pénales et de criminologie d'Aix-Marseille.

Dans les années 2000, l’expression «territoires perdus de la République» est d’ailleurs apparue pour qualifier ces quartiers où l’autorité de l’État tend à s’effriter, au profit de réseaux criminels voire de systèmes communautaristes.

L’assassinat du brigadier Éric Masson à Avignon, non loin de Cavaillon, dans le cadre d’un trafic de drogues, avait remis au cœur de l’actualité cette problématique.

Dans une lettre ouverte au Président, le syndicat France Police–Policiers en colère avait notamment demandé le «bouclage des 600 territoires perdus de la République, y compris avec le renfort de l’Armée», préconisant l’emploi de «checkpoints sur le modèle israélien». Pour l’heure, ce ne sont pas les militaires mais les dealers qui semblent tenir les routes dans la cité du Dr Ayme.

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