Payer sa baguette avec une montre connectée et utiliser le sans-contact pour régler les pommes de terre au marché. Le progrès technologique permet de diversifier les modes de règlement.
«L’étape suivante serait de se dire: “Pourquoi j’ai besoin d’un téléphone ou d’un autre gadget? Est-ce que je peux m’en passer, puisqu’il n’a qu’une fonction: m’identifier?” Avec les technologies de la biométrie, c’est “moi” qui deviens la technique de paiement, via les empreintes digitales ou le visage», imagine Lionel Grosclaude au micro de Sputnik.
Parallèlement, une autre tendance de fond se précise de plus en plus clairement: le recul des espèces. Reste à en mesurer l’ampleur…
«L’argent en circulation reste important»
En 2019, la France faisait partie des pays de la zone euro où la part des espèces (59%) dans les paiements en magasin était la plus faible, derrière les Pays-Bas (34%), mais loin devant l’Allemagne (77%) ou l’Espagne (83%). La pandémie et le confinement ont accéléré le phénomène. 2020 a été marquée par une baisse impressionnante de l’utilisation du liquide ainsi que de la fréquence des passages au distributeur. En revanche, le montant moyen des retraits a augmenté.
«Les espèces baissaient structurellement à raison de 2 ou 3% par an jusqu’en 2018. En revanche, le stock d’espèces ne chute pas. L’argent en circulation reste important, ce qui sous-entend une part d’épargne non négligeable», déclare au micro de Sputnik Thierry Dinard, directeur du développement du groupe Syrtals, structure de conseil dans les moyens de paiement.
«Voilà les grands chiffres: 15 milliards de paiements par carte [par an en France, ndlr], quatre milliards de virements, quatre milliards de prélèvements, un milliard de chèques. Et les espèces, c’est plus que la somme de tout ça», comptabilise Thierry Dinard.
Bien que les espèces «soient réservées aux petits achats» (le montant moyen de paiement en espèces est de l’ordre de huit euros) et que le cash régresse globalement, une certaine population l’utilise encore beaucoup, «suite à la paupérisation».
Mais l’abandon du cash est vu par M. Dinard comme «un progrès», même si, d’après ses pronostics, sa disparition «n’est pas pour demain».
«Pour la traçabilité des opérations, le cash n’est pas bon. On n’est pas encore à la fin de la carte. Pour l’instant, on est en train d’additionner des nouveaux moyens de paiement, tout en gardant les anciens», souligne Thierry Dinard.
Le désir étatique d’une transaction «transparente» a créé des défis. Le paiement avec des empreintes digitales ou avec la reconnaissance faciale pose un enjeu technologique -éviter les faux- et sécuritaire, de protection des données personnelles et de stockage d’informations.
Au sein de Fime, qui «aide l'industrie bancaire et les commerçants à accélérer le déploiement de services innovants», un département spécialisé «veille à ce que les systèmes d’authentification soient robustes».
«En France ou aux États-Unis, il y a beaucoup de méfiance par rapport à ça. A contrario, l’Inde possède une base de données qui s’appelle Aadhaar où tous les Indiens doivent enregistrer leurs empreintes digitales et leur visage», rappelle Lionel Grosclaude.
L’expert mentionne un incident survenu en Angleterre «qui n’a pas de schéma de paiement domestique», lors d’une panne d’un réseau Visa il y a quelques années. «Le pays a été paralysé en trois heures.» De même, dans le cas de paiement facial, «si les données ne sont pas stockées sur le dispositif de règlement, elles doivent être stockées dans le pays. Sinon ça crée une trop grande dépendance de l’endroit où c’est stocké et ça peut créer un problème de sécurité.»
Pour toutes ces raisons, «le cash ne va pas disparaître tout de suite, il est également perçu comme un moyen de secours, en cas d’une panne du paiement», avance le directeur général de Fime.
Navigo, Troïka? What else?
Il existe par ailleurs des cartes non reliées au système bancaire, une sorte de «poche digitale». La carte de Starbucks en reste une des plus connues. Elle permet d’acquitter ses additions dans le réseau, sans se référer à la banque. Autre exemple, le passe Navigo est un système de paiement fermé réservé aux transports en Île-de-France.
À Moscou, la carte Troïka, utilisable dans tout le transport municipal, est dejà passée sur la bague. Elle devient même un objet de collection, avec une image personnalisable, et s'apprête à conquérir d'autres villes russes.
«Un autre système arrive dans les grandes villes. Il remplacera le système closed loop [un système littéralement conçu en «circuit fermé ou en boucle fermée»]. Un open loop est apparu à Londres, au moment des JO 2012. Désormais, il est installé à New York et à Chicago. Ce système permet de voyager avec une CB ou un téléphone, sans acheter les cartes de métro locales», décrit Lionel Grosclaude.
Circuit fermé ne veut pas dire indépendance totale vis-à-vis du circuit bancaire. À un moment ou à un autre, il faut bien alimenter ces cartes.
«Quand on fait un paiement d’un téléphone à un autre téléphone, il n’y a pas de carte du tout. Les Allemands ou les Japonais sont encore très friands du cash, les Français et les Russes passent progressivement à la carte. C’est une question de génération», estime le directeur général de Fime.