Ce qui devait arriver a fini par arriver! Dans la soirée du 2 juin, le centriste Yaïr Lapid, chef de l’opposition, a annoncé la formation d’une coalition en vue d’un «gouvernement du changement». Une coalition plus qu’hétérogène. En effet, outre le laïc Yaïr Lapid, donc, partisan d’une solution à deux États, on retrouve Naftali Bennett, représentant des colons rêvant d’annexer la Cisjordanie, et le parti des musulmans conservateurs de Mansour Abbas. De l’extrême droite à l’extrême gauche, huit partis ont signé un accord présenté au Président israélien Reuven Rivlin. Mais, pour l’instant, rien n’est entériné. Il incombe encore au Parlement de ratifier la formation du gouvernement dans les huit jours.
Basée à Beyrouth, la journaliste indépendante Ines Gil a travaillé deux ans en Israël et dans les territoires occupés. Elle explique comment une telle entente est devenue possible.
«Ce bidouillage gouvernemental est assez fréquent en Israël. Ce n’est pas la première fois qu’on retrouve des coalitions hétérogènes de ce type. Mais aujourd’hui, ce qu’il faut comprendre, c’est que Netanyahou a cristallisé le débat. Il y a un clivage autour de sa propre personne», résume-t-elle au micro de Sputnik.
Une coalition qui «n’est en rien surprenante» donc. En effet, le Premier ministre n’avait pas obtenu de majorité pour former un gouvernement. Ses alliés ultra-orthodoxes et l’extrême droite lui ayant tourné le dos. De ce fait, le Président avait invité le chef de l’opposition à résoudre ce problème et à réunir une équipe gouvernementale.
«Un gouvernement d’union n’est pas un compromis ni une solution de dernier recours, mais un but. C’est ce dont nous avons besoin», déclarait ainsi Yaïr Lapid le 6 mai. Et ce avant les affrontements en Cisjordanie, à Jérusalem et, surtout, à Gaza.
«Cette guerre était une aubaine pour Netanyahou»
Malgré un bilan sanglant de 232 Palestiniens tués, dont 65 enfants, et 12 morts côté israélien, l’embrasement des hostilités, entre le 11 et 21 mai, a profité à Benyamin Netanyahou.
L’offensive israélienne sur Gaza avait éparpillé la coalition anti-Netanyahou. Naftali Bennett, alors opposé au Premier ministre, s’était dit prêt à renouer avec lui. Le parti musulman Ra’am, de son côté, refusait de soutenir un gouvernement qui bombardait des Arabes.
«C’était pain béni pour Netanyahou. Il a court-circuité les avancements notables de l’opposition. Il avait balayé la coexistence, si chère à Lapid, entre Arabes et Israéliens. En l’espace de quelques jours, il avait redoré son image et devenait le leader, le protecteur de tout un peuple face au Hamas», analyse Ines Gil.
Ainsi, le Hamas était devenu en quelque sorte le meilleur ennemi possible pour le Premier ministre israélien. Ce dernier en effet aurait misé beaucoup sur une exacerbation des tensions. «Nous sommes toujours au milieu de cette opération, elle n’est pas encore terminée et cette opération se poursuivra aussi longtemps que nécessaire», insistait-il le 15 mai dernier.
Netanyahou l’ami des médias
Le Premier ministre israélien est en effet englué dans trois affaires de corruption, de détournement de fonds, de fraude et d’abus de confiance
En 2019, le politicien était soupçonné d’avoir accordé des faveurs gouvernementales au site Walla pour obtenir une couverture médiatique favorable. De surcroît, il est accusé d’avoir cherché à favoriser le média Yediot Aharonot en échange d’une loi limitant la visibilité d’un journal concurrent.
Il aurait également reçu des pots de vin en échange d’avantages personnels et financiers. Netanyahou est devenu ainsi le premier homme politique israélien en fonction à être inculpé par la justice. Mais l’ennemi extérieur aurait pu en partie reléguer tous ces scandales au second plan.
«À partir du moment où il y a ouverture du procès, ça entache l’image et la respectabilité. Et, au-delà de ça, il y a l’image bling-bling sulfureuse de son couple. Finalement, au sein de la population israélienne, il y a plus un ras-le-bol autour de sa personne qu’un ras-le-bol autour de sa politique.»
Cependant, l’éloignement du président du Likoud risque de n’être que temporaire. «Il a été Premier ministre de 1996 à 1999. Il est revenu à la tête du gouvernement en 2009. C’est un animal politique. Rien ne nous dit qu’il ne reviendra pas dans les prochains mois», conclut Ines Gil.
*Organisation terroriste interdite en Russie