En visite en Afrique du Sud, Emmanuel Macron a appelé à une levée temporaire des brevets des vaccins anti-Covid si cela est nécessaire pour permettre des transferts de technologie de production dans les pays pauvres.
«Les brevets ne doivent être en rien un frein», a déclaré M.Macron lors d’une conférence de presse commune avec son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa, se disant finalement d'accord pour demander une levée temporaire des droits, même si la priorité reste le transfert de technologie.
Un revirement?
Jusqu'à présent, le Président français plaidait pour des «exemptions» sur les brevets, sur le modèle de celles décidées pour les traitements anti-Sida permettant aux pays en crise de fabriquer des médicaments génériques moins chers.
Toutefois, il y a encore quelques mois, le chef de l’État avait montré qu’il n’était pas si attaché à cette idée.
«Nous entendons beaucoup parler en effet de transfert ou d’absence de propriété intellectuelle. Le sujet, nous le savons aujourd’hui, n’est pas celui-là. C’est celui du transfert de technologie, de la mobilisation des capacités de production. Parce que le goulot d’étranglement est là», avait-il déclaré à l’OMS le 23 avril dernier.
Dans une interview au Financial Times en février, le Président maintenait que la solution pour répondre à la pandémie n’était pas tant, pour l’heure, la levée des brevets sur les vaccins que l’augmentation des capacités de production. M.Macron avait ainsi souligné que le concept de propriété intellectuelle était essentiel à l’innovation. Toutefois, si les fabricants de vaccins n’étaient pas coopératifs, «la question politique de la propriété intellectuelle se posera inévitablement dans tous nos pays».
«Une fausse bonne idée»
Le ministre du numérique Cédric O s’est prononcé manifestement contre cette idée le 5 mai dernier à l’Assemblée.
«Est-ce qu’une levée des brevets serait de nature à répondre au défi? Non, c’est une fausse bonne idée», a-t-il déclaré. «Même si tous les brevets étaient en accès libre il n’y aurait pas de production supplémentaire pour les pays du Sud avant fin 2022 compte tenu de la complexité industrielle que cela représente». Pour lui, le risque existe que les laboratoires sous-investissent à l’avenir dans la recherche si la propriété intellectuelle de leur découverte leur est enlevée.
Fin mars, Clément Beaune a souligné l’inutilité de procéder ainsi: «Si lever les brevets avait une quelconque utilité, nous le ferions immédiatement, mais ça ne sert à rien aujourd'hui.»
Le changement d’avis de Macron
Le 6 mai, lors de l’inauguration du vaccinodrome porte de Versailles à Paris, Emmanuel Macron avait annoncé qu’il était «tout à fait favorable à ce que la propriété intellectuelle soit levée» sur les vaccins anti-Covid pour «faire de ce vaccin un bien public mondial».
Plusieurs personnalités politiques, dont Jean-Luc Mélenchon, ont ainsi fait des parallèles avec la décision américaine de prôner la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid. «Il s’agit d’une crise sanitaire mondiale, et les circonstances extraordinaires de la pandémie du Covid-19 appellent à des mesures extraordinaires», avait alors écrit sur Twitter la représentante américaine au Commerce Katherine Tai.