Le discours d’Emmanuel Macron au Mémorial du Génocide dans la capitale rwandaise prononcé jeudi 27 mai, dans lequel il a dit «reconnaître l’ampleur de nos responsabilités», a produit un effet controversé allant du rejet à l’approbation.
Marine Le Pen a réagi par un communiqué publié le même jour sur le site du Rassemblement national (RN). Elle y indique que «la France a tenté, trop tardivement sans doute, d’aider les survivants, de protéger les victimes, d’écarter les tueurs».
Une injure aux Français qui ont tenté de sauver les victimes
Admettant qu’il y a eu un «aveuglement des autorités politiques de l’époque», elle a fermement rejeté leur responsabilité dans les massacres.
«Penser le contraire, ou dire le contraire comme le fait le Président de la République, c’est faire injure à tous les Français, militaires, civils, membres des ONG, qui ont dès le début et durant le génocide tout tenté pour sauver et protéger les victimes.»
Selon Mme Le Pen, demander pardon «ce n’est pas aux Français de 2021 ou aux responsables politiques d’aujourd’hui de le faire. Penser le contraire, c’est rejoindre le camp des totalitarismes, celui où les enfants, petits-enfants, familles des présumés coupables sont jugés et condamnés pour des fautes qu’ils n’ont pas commises.»
Elle estime que «la France est respectée quand elle se grandit, pas quand elle se flagelle pour des fautes qui ne sont pas les siennes», fustigeant «une repentance perpétuelle qui ne satisfait personne».
L’ancien vice-président de la formation de Marine Le Pen et actuel président des Patriotes Florian Philippot a accusé Emmanuel Macron de passer «son mandat à rabaisser la France par la repentance».
L’ex-Premier ministre Manuel Valls a salué, au contraire, «des mots forts et courageux».
«Pour pouvoir tracer l’avenir avec confiance, il faut être capable de regarder le passé en face», a-t-il indiqué via Twitter.
Demande de juger les responsables du génocide vivant en France
Le chef de La France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon a annoncé sur Facebook partager «la formulation du Président français» disant qu’«en ignorant les alertes des plus lucides observateurs la France endossait alors une responsabilité accablante dans un engrenage qui a abouti au pire alors même qu’elle cherchait précisément à l’éviter».
Au nom de son parti il a réclamé que soient jugés les responsables connus du génocide des Tutsis vivant en France, ainsi qu’à ce que soit prolongée «l’enquête sur les criminels qui ont abattu l’avion transportant les Présidents du Rwanda et du Burundi, l’acte qui a servi de prétexte aux événements sanglants qui ont suivi».
Le Président rwandais Paul Kagame a qualifié le discours de son homologue français d’acte d’«immense courage».
«Ses paroles avaient plus de valeur que des excuses. Elles étaient la vérité», a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse conjointe.
800.000 victimes
Du 7 avril au 17 juillet 1994 environ 800.000 Rwandais, en majorité Tutsis, ont été tués. Leur massacre par les extrémistes Hutus a été déclenché par la mort du Président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, dont l’avion a été abattu alors qu’il entamait son atterrissage sur l’aéroport de Kigali.
Les soupçons sur une «complicité» de Paris écartés par la commission Duclert
Au cours de la guerre civile rwandaise débutée en 1990, la France a apporté un soutien militaire, financier et diplomatique au gouvernement hutu de Juvénal Habyarimana contre le Front patriotique rwandais (FPR) des exilés tutsis. Des soupçons existent sur la poursuite de son soutien pendant le massacre.
Le gouvernement français avait précédemment rejeté toute responsabilité dans le génocide. En novembre 2007 il a cependant admis que des «erreurs politiques» avaient pu être commises, lesquelles ont empêché de prévenir ou d’arrêter le génocide.
En visite au Rwanda en février 2010, Nicolas Sarkozy s’en était tenu à la position traditionnelle de la France, reconnaissant des «erreurs d’appréciation, des erreurs politiques», voire une «forme d’aveuglement», mais refusant toute repentance.
Une commission d’historiens sous la conduite de Vincent Duclert qui a remis à Emmanuel Macron, le 26 mars dernier, ses conclusions sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsis, a écarté l’idée d’une «complicité» de Paris.