Sous la direction du Président Abdelmadjid Tebboune, le Haut-Conseil de sécurité de l’État algérien a classé le mouvement islamiste Rachad et le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) comme organisations terroristes. Dans le sillage de cette décision, les autorités algériennes ont également interdit toutes les marches populaires non autorisées du Hirak. En effet, ces deux dernières semaines, des dizaines de manifestants, d’intellectuels et de journalistes ont été arrêtés par la police.
Alors que le pays est en pleine campagne électorale pour les élections législatives anticipées du 12 juin, l’interdiction des marches du Hirak – dont les manifestants sont contre l’organisation de ce rendez-vous électoral – sonne pour certains analystes comme une tentative de passage en force du pouvoir.
Par ailleurs, ceux qui dénoncent la surmédiatisation et la surexploitation du danger de «la main étrangère» ne commettent-ils pas une erreur d’analyse en minimisant les dangers d’ingérence qui a produit des désastres dans plusieurs pays? Le Hirak algérien peut-il compter sur l’aide de la «communauté internationale», la même qui n’a pas bougé le petit doigt pour venir en aide au peuple palestinien de Gaza?
Pour répondre à ces questions, Sputnik a sollicité le Dr Ahmed Bensaada, auteur et analyste politique, spécialiste des révolutions colorées et des ONG.
«L’esprit du Hirak doit rester vivant»
«Il va sans dire que le Hirak et son esprit ont été une bénédiction pour le pays», déclare le Dr Bensaada, soulignant que «c’est grâce à lui que le peuple s’est mobilisé comme un seul homme pour dénoncer le 5e mandat de l’ex-Président déchu Abdelaziz Bouteflika, la gabegie et la corruption au sommet de l’État».
Et de souligner que «l’esprit du Hirak doit rester vivant au sein de la société algérienne pour que nos futurs décideurs n’oublient pas que le peuple les surveille».
«Il faut reconnaître que ces groupes sont nocifs»
Par ailleurs, le chercheur déclare que «dès le début du Hirak, nous avons décelé la présence de certains groupes que nous avons baptisés démocrates ONGistes. Ces derniers activent au sein d’ONG financées par des organismes internationaux d’exportation de la démocratie, notamment américains [tel que la NED, ndlr] […]. Ces pays étrangers qui les financent ne le font certainement pas par altruisme, mais par intérêt selon l’ancien adage: "c’est celui qui paye l’orchestre qui choisit la musique"».
Dans le même sens, Ahmed Bensaada rappelle que «dans mon livre "Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien", j’ai démontré qu’il y avait de fortes connivences entre les démocrates ONGistes et le mouvement "islmaouiste [qui use de la religion musulmane à des desseins et fins contraires à ses préceptes, ndlr]" Rachad et ce bien avant le début du Hirak en février 2019. Rachad active au sein du mouvement djihadiste international Motamar El Oumma* qui a sévi en Syrie et en Libye [et dont le chef, le théologien Hakem al-Mutairi, vient d’être condamné à la perpétuité dans son pays d’origine, le Koweït, pour activités terroristes, ndlr]».
Pour le spécialiste, «le travail main dans la main des démocrates ONGistes avec les islamaouistes offshores, qui sont en grande partie des anciens du Front islamique du salut (FIS), nous rappellent le modus operandi de la destruction de la Syrie et de la Libye. Leur connivence n’est que conjoncturelle, car ils ont des idéologies complètement antagonistes et répulsives».
Outre ces deux groupes, le Dr Bensaada avance que «l’une des particularités de la situation algérienne est l’existence d’un mouvement indépendantiste et antinationaliste qu’est le MAK qui a repris du poil de la bête durant le Hirak». Il précise que «ce mouvement est essentiellement établi en France et au Québec et a des relations solides avec Israël. Il est en complète contradiction avec la politique extérieure de l’Algérie et avec le sentiment profondément pro-palestinien qui règne au sein du peuple algérien».
Abbas Aroua, à droite de la photo, un autre dirigeant de Rachad, assis avec Abou Hafs El Mauritani, le moufti d'Al-Qaïda et Rami Dalati, coordinateur des groupes terroristes en Syrie.
L’expert juge qu’il «faut reconnaître que ces trois groupes sont nocifs non seulement pour le Hirak lui-même, mais aussi pour la sécurité, l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Algérie. L’effort d’information pédagogique à leur égard a permis de les dénoncer, suite à quoi nous avons constaté la réduction drastique du nombre de manifestants dans les rues qui s’est accompagnée par une virulence dans les propos et des attaques contre l’institution militaire, qualifiant les services de renseignement "d’organisation terroriste"».