Le président français va notamment prononcer en fin de matinée un discours très attendu au mémorial Gisozi de Kigali, où sont ensevelis les corps de 250.000 victimes du génocide, qui fit quelque 800.000 morts tutsis et hutus modérés en trois mois.
«Au cours des prochaines heures, nous allons écrire ensemble une page nouvelle de notre relation avec le Rwanda et l'Afrique», a écrit Emmanuel Macron sur Twitter avant de s'envoler pour Kigali.
Son homologue rwandais, Paul Kagamé, ancien chef de la rébellion tutsie qui mit fin au génocide en prenant le pouvoir, a estimé à l'occasion d'une visite en France la semaine dernière que le temps du «pardon» était venu, même si les historiens n'ont pas retenu la «complicité» de la France dans le génocide qu'il a dénoncée dans le passé.
Sans exiger d'Emmanuel Macron qu'il présente les excuses de son pays, comme ont pu le faire la Belgique, ancienne puissance coloniale, et de l'Onu, il a souligné qu'une telle démarche serait un «geste important».
Interrogé mercredi lors du compte rendu du conseil des ministres sur d'éventuelles «excuses» présidentielles à Kigali, le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, n'a pas répondu sur ce point précis mais il a estimé que le rapport Duclert était «le signe d'une mémoire pacifiée, d'une relation renouée».
Alain Gauthier, qui traque les auteurs du génocide réfugiés en Europe afin qu'ils soient jugés ou extradés, jugent de telles excuses indispensables.
«Pour nous qui représentons les survivants et qui poursuivons les suspects de génocide en France, nous attendons une chose, ce sont des excuses», a-t-il dit à Reuters à Kigali.
Rien, dans les rues de Kigali, ne laissait deviner jeudi la venue d'Emmanuel Macron.
S'il s'est dit prêt à tourner la page, Paul Kagamé a accueilli son homologue français sans le faste d'ordinaire accordé aux visites d'Etat.
«JE SOUHAITE QU'IL DEMANDE PARDON»
L'accueil des Rwandais était cependant plutôt positif.
«Je souhaite que Macron relance les relations avec le Rwanda car j'entends toujours dire que les relations entre les deux pays ne sont pas bonnes à cause du rôle de la France dans le génocide», a déclaré à Reuters Henriette Uwase, une vendeuse de mangues de 28 ans.
«Je souhaite qu'il demande pardon pour ce que la France a fait en 1994», a ajouté cette mère de deux enfants qui était âgée de deux ans au moment du massacre de son père et de ses deux frères à Kimisagara où vivait sa famille.
Vincent Mugiraneza, fonctionnaire, se dit «heureux de la visite de Macron. Et c'est grâce au fait que les deux chefs d'État ont montré leur volonté de rouvrir les liens. En tant que Rwandais, nous voulons qu'il s'excuse auprès des Rwandais».
A la présidence française, on présente cette visite comme l'occasion d'inscrire «l'étape finale de normalisation des relations entre la France et le Rwanda».
Emmanuel Macron devrait concrétiser ce réchauffement en proposant le retour d'un ambassadeur de France et en inaugurant un centre culturel francophone.
La dernière visite d'un président français au Rwanda fut celle de Nicolas Sarkozy en 2010.
Rompues en 2006, les relations diplomatiques entre les deux pays ont été rétablies trois ans plus tard. Un chargé d'affaires est actuellement à la tête de l'ambassade de France à Kigali, où le poste d'ambassadeur est vacant depuis 2015.
Après son étape au Rwanda, Emmanuel Macron se rendra vendredi et samedi en Afrique du Sud, pays membre du G20 régulièrement convié au G7, première économie d'Afrique australe de 60 millions d'habitants durement touchée par l'épidémie de COVID-19.
Le chef de l'Etat sera accompagné d'un aréopage de grandes entreprises françaises dont le groupe pharmaceutique Sanofi , le groupe de transport maritime CMA-CGM qui oeuvre dans le port de Durban, Suez-Engie, des petites et moyennes entreprises et des start-up.
Economie post-pandémie, réchauffement climatique, biodiversité mais aussi crises régionales comme le Mozambique figureront, selon l'Elysée, seront au menu des entretiens entre le président français et son homologie sud-africain Cyril Ramaphosa.
A son retour de voyage, Emmanuel Macron, qui a contracté le COVID-19 en décembre, ne sera pas soumis à une dizaine de jours d'isolement, à la différence des membres de la délégation qui l'accompagneront.