Dans un entretien au Parisien, Gérald Darmanin est revenu sur le désamour qui semble se faire jour entre policiers et magistrats. Alors que les syndicats de police, qui manifestaient ce 19 mai, pointent du doigt une forme de laxisme dans les prétoires, le ministre de l’Intérieur a insisté sur la question du budget alloué à la Justice et aux prisons.
«Nous avons l’un des plus petits budgets pour la justice d’Europe, c’est un problème […] Il y a 250.000 policiers et gendarmes en France, pour 8.000 magistrats. Quand ils n’ont que dix places de prison et 80 personnes déférées, ils n’en remettent pas une partie dehors par gaîté de cœur», a ainsi déclaré le ministre de l’Intérieur au quotidien.
«Le problème de la police, c’est la faiblesse des moyens de la justice», a ajouté Gérald Darmanin, en référence à la phrase-choc de Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance Police. Le ministre a également dit souhaiter la création de 15.000 places de prison supplémentaires.
Des dérives des deux côtés
Critiqué pour sa participation au rassemblement policier du 19 mai, tant par les magistrats que par les forces de l’ordre, le ministre a encore tenté de concilier les deux camps. Assurant qu’il était de son devoir «d’écouter l’émotion, d’entendre la colère» des policiers, notamment après l’assassinat d’Éric Masson, le ministre a cependant réfuté l’argument d’une Justice volontairement laxiste.
«Il ne faut pas opposer les magistrats et les policiers. C’est absurde et contre-productif. Tous les matins, les procureurs de la République, les magistrats du siège, ne se lèvent pas en disant: "Chouette, on va renvoyer dehors des délinquants"», a-t-il ainsi expliqué au Parisien.
Gérald Darmanin a par ailleurs renvoyé dos à dos Justice et police, au sujet d’éventuelles dérives syndicales. Il s’est dit capable de «distinguer le bon grain de l’ivraie» parmi les revendications portées par les forces de l’ordre.
«Il y a eu des excès des deux côtés, des syndicats de policiers comme des syndicats de magistrats. Je le regrette», a-t-il déclaré au quotidien.
Ce 19 mai, les syndicats de police avaient en particulier essuyé les foudres de Jean-Luc Mélenchon, qui avait qualifié de «factieux» leur rassemblement devant l’Assemblée nationale. À l’intérieur de l’Hémicycle, Éric Dupond-Moretti avait pour sa part fustigé les «attaques incessantes et l’instrumentalisation nocive» dont la Justice faisait selon lui l’objet.
Le ministre de la Justice avait lui-même été mis en cause lors du rassemblement. «Monsieur le garde des Sceaux, réveillez-vous!», avait notamment lancé Olivier Varlet, secrétaire général d’UNSA Police.
Totalitarisme et impuissance, selon Dupond-Moretti
Dans un entretien au Journal du Dimanche, il a fustigé à son tour que l'allégation du secrétaire général du syndicat de police Alliance était «fausse et grave».
«La police sans la justice, c'est le totalitarisme; la justice sans la police, c'est l'impuissance. Ces deux institutions méritent le respect de tous les républicains», a déclaré Éric Dupond-Moretti.
Le budget «historique» de la Justice «a bondi de 21% en quatre ans et de 8% rien que cette année» avec le nombre de magistrats s'établissant à 9.090, a souligné le ministre.
Si les syndicats de police ont été montrés du doigt cette semaine, les organisations de magistrats défrayent aussi régulièrement la chronique. En 2013, l’affaire du «mur des cons» avait en particulier jeté une ombre sur le Syndicat de la magistrature.
Plus récemment, le rôle joué par des personnalités syndiquées dans l’affaire des Écoutes ou celle du financement libyen de la campagne de Sarkozy a également suscité la polémique.