Jeudi 20 mai 2021, des milliers de candidats se sont lancés dans une compétition électorale qui durera trois semaines pour tenter de décrocher l’un des 407 sièges de l’Assemblée populaire nationale. Pour les législatives du 12 juin, les autorités algériennes ont validé 1.483 listes à travers les 58 wilayas (départements). Fait inédit dans ce pays: l’essentiel des listes électorales ont été initiées par des candidats indépendants. Nombre d’entre eux n’ont jamais fait de politique. C’est le cas d’Amine Chikhi photographe de presse, candidat à Tipaza, wilaya située à 75 kilomètres à l’est d’Alger.
Amine Chikhi annonce dans ce post Facebook qu'il prend part à la course aux législatives à la tête d'une liste électorale indépendante baptisée «les bâtisseurs de l'espoir et de l'avenir»
Monsieur Aimable…
Au micro de Sputnik, Amine avoue ne connaître la politique qu’à travers son métier qui lui a permis d’être en contact avec des membres du gouvernement et des parlementaires. «J’ai pris l’initiative de lancer cette liste électorale avec un ami journaliste de ma ville. Nous sommes huit colistiers et espérons décrocher au moins deux sièges sur les six qui reviennent à la circonscription de Tipaza», explique-t-il. Selon lui, ce sont les dispositions inscrites dans le récent amendement du code électoral qui l’ont encouragé à se présenter.
«Il y a d’abord l’introduction du vote préférentiel qui permet aux électeurs de choisir directement leurs représentants en cochant leur nom sur le bulletin. C’est un avantage pour les candidats qui jouissent d’une certaine notoriété dans leur région. Je pense que c’est mon cas et celui de mes sept autres colistiers. Nous sommes connus pour notre correction et notre amabilité. Il ne faut pas se mentir, dans notre pays, les citoyens ont plus tendance à prendre en considération la bonne réputation des candidats plutôt que leur programme politique», note le photographe.
Amine Chikhi met également en avant l’article 121 de ce nouveau code électoral qui permet aux autorités d’empêcher les individus qui ont des liens avec «l’argent douteux et les milieux de l’affairisme» de se porter candidat. Des notions très vagues qui sont laissées à l’appréciation de l’administration et des services de sécurité dont le rapport préliminaire détermine la recevabilité de la candidature. Amine est cependant catégorique: «cette mesure a permis d’écarter de nombreuses personnes connues par la population de Tipaza comme étant corrompues. Cela permet d’éliminer toute concurrence déloyale».
Mais contrairement aux scrutins précédents, cette campagne s’annonce timide, presque dans l’indifférence générale. Ainsi, à Alger, très peu d’affiches électorales sont visibles dans les espaces publics.
Younès Saber Chérif, journaliste et animateur de radio et de télévision, fait lui aussi partie de ces nombreux professionnels de la presse qui ont choisi de se présenter à ce scrutin. Candidat dans la capitale sur la liste du parti d'opposition Jil Jadid, il déclare à Sputnik avoir eu des «impressions très positives» au cours des premières activités de proximité.
«Je reconnais que j’étais plutôt stressé car je passe du statut de journaliste à celui de candidat à la députation. Il y a également cette conjoncture politique difficile et les commentaires que j’ai lus sur les réseaux sociaux qui ne sont pas favorables à la tenue de cette élection. Mais à ma grande surprise, lors de mes premières sorties sur le terrain, je dois dire que je n'ai pas perçu d’hostilité en allant à la rencontre des citoyens. Les gens veulent être écoutés et transmettre leurs problèmes», indique-t-il.
Railleries et détournements…
Younès Saber Chérif a décidé de mener sa campagne sur deux axes principaux: «en allant à la rencontre de l’électorat et en réalisant des vidéos qui seront diffusées sur les réseaux sociaux». Pour le premier jour de campagne, le présentateur a mis en ligne un clip pour se présenter et afficher ses ambitions.
En fait, la plupart des candidats semblent faire campagne sur les réseaux sociaux. Durant la journée de jeudi 21 mai, le web social algérien a connu un déferlement d’affiches, dont une grosse majorité donne l’impression d’avoir été réalisées par des graphistes amateurs.
«Ce n'est pas un photomontage fait pour rigoler mais ce qu'on retrouve dans la campagne», jure cet internaute en partageant une affiche de ce candidat qui propose de conduire le pays à bon port à bord de son bateau de sauvetage.
Résultat, ce bidouillage à grande échelle sur les réseaux sociaux a donné lieu à des railleries et des détournements d’affiches.
Le parti «mon œil» est en lice, avec un slogan destiné à convaincre sinon les électeurs, du moins l'élu potentiel
Le «Front laïc du Salut» (un détournement du Front islamique du Salut-FIS, parti islamiste dissous), annonce sa participation au scrutin, avec un numéro de liste 69, «plaisir garanti!», assure l'affiche.
Cachez-moi ce visage féminin…
Si certaines ont fait sourire, d’autres ont soulevé de vives critiques. À l’instar des affiches sur lesquelles les photos des candidates ont été remplacées par des dessins de têtes de femmes en foulard mais… sans visage.
Une pratique soutenue par les autorités, puisque l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) que dirige Mohamed Charfi, ancien ministre de la Justice sous Bouteflika, a dispensé les candidates de publier leurs photos sur les affiches et les bulletins de vote. Les électeurs choisiront à l’aveugle certaines de leurs représentantes à l’Assemblée nationale.