«Ça là, c’est mieux mort.» C’est l’une des dernières phrases qu’a entendues une femme autochtone de 37 ans dans un hôpital de Joliette, au Québec, en septembre 2020. Quelques heures avant son décès, des membres du personnel infirmier ont émis des commentaires à caractère raciste envers la dénommée Joyce Echaquan. Dans les mêmes heures, Joyce Echaquan a diffusé sur Facebook une vidéo pour demander qu’on «vienne la chercher», disant avoir été droguée.
Décès de Joyce Echaquan: un électrochoc pour les Canadiens
Ce tragique décès a initié un vif débat sur le rapport du système de santé aux personnes autochtones. Surtout, la controverse a porté sur le racisme «systémique» que les premiers habitants du Canada peuvent subir dans les divers établissements de santé publique: hôpitaux, cliniques, etc. Une enquête vise à déterminer les causes et les conséquences exactes du décès de cette femme, devenue une figure emblématique de la cause pour les droits des Premières Nations.
Les résultats d’une étude scientifique viennent de contribuer à la réflexion. Dirigée par les médecins Jason McVicar et Donna May Kimmaliardjuk, l’étude révèle que les patients d’origine amérindienne sont moins nombreux à bénéficier de chirurgies qualifiées de «vitales», comme des opérations de nature cardiaque et la transplantation de reins. Les Autochtones opérés ont également plus de chances de développer des complications ou de décéder des suites de l’intervention. Enfin, le temps d’attente avant d’être opéré serait également plus long pour les Amérindiens. Publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne, l’enquête conclut qu’Ottawa doit «réévaluer les soins chirurgicaux pour les peuples autochtones pour s’assurer qu’ils ont un accès équitable».
Pratiques discriminatoires: «l’histoire coloniale» pointée du doigt
Dans un échange avec Sputnik, le ministère canadien des Services aux Autochtones signale que «les mauvais traitements infligés à Joyce Echaquan ne sont pas un incident isolé».
«Le gouvernement du Canada reconnaît que le racisme systémique, découlant de l’histoire coloniale du Canada, est enraciné dans les systèmes de santé de notre pays et continue d’avoir des effets catastrophiques sur les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis», a déclaré à Sputnik Nicolas Moquin, conseiller en communications du ministère des Services aux Autochtones.
À la suite de la mort de Joyce Echaquan, le Conseil de la Nation atikamekw et la Première Nation de Manawan (instances auxquelles est liée Joyce Echaquan) ont créé un plan fondé sur ce qu’ils ont appelé le «principe de Joyce». La démarche vise à garantir à tous les peuples autochtones un accès équitable aux services sociaux et de santé, «ainsi que le droit de jouir de la meilleure santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle possible». Les 27 et 28 janvier derniers, Ottawa a annoncé qu’il soutenait ledit principe de Joyce, débloquant deux millions de dollars pour la mise en œuvre de ce plan.
Rappelons que, dans la foulée de la mort de George Floyd aux États-Unis, des leaders autochtones canadiens avaient déploré que presque toute l’attention soit accordée aux personnes noires alors que, selon eux, les Autochtones demeurent les premières victimes du racisme «systémique». En signe d’appui aux communautés noires du Canada et des États-Unis, le Premier ministre fédéral Trudeau avait posé un genou à terre durant une manifestation à Ottawa.
Indigenous Lives Matter
Ex-commissaire de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, Michèle Audette s’était même dite «peinée» et «choquée» de constater que les Premières Nations n’avaient pas encore eu droit au «même traitement» et à la même «mobilisation». L’État fédéral assure toutefois qu’il fait tout ce qui est en son pouvoir afin d’améliorer la qualité de vie des Autochtones:
«Les membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont le droit d’avoir accès à un système de santé de premier ordre sans craindre d’être victimes de discriminations ou de recevoir de mauvais traitements, quel que soit leur lieu de résidence», insiste Ottawa dans son échange avec Sputnik.
Dans leur dernier budget présenté en avril dernier, les libéraux de Justin Trudeau ont annoncé qu’ils dégageraient 126,7 millions de dollars sur trois ans, à compter de 2021-2022, pour «rendre les systèmes de santé exempts de racisme et de discrimination».