Dans une lettre envoyée aux journalistes de la presse locale et relayée par plusieurs médias américains, l'ancienne avocate de 58 ans a expliqué vouloir ainsi «rompre avec le statu quo».
«Depuis le premier jour de ma campagne, en 2018, j'ai été frappée par la proportion ultra-dominante de personnes blanches et d'hommes au sein des médias de Chicago, des responsables éditoriaux, des journalistes politiques et de ceux qui couvrent la mairie en particulier», a écrit l'édile.
«C'est une honte qu'en 2021, les journalistes accrédités à la mairie soient très majoritairement blancs dans une ville où plus de la moitié des habitants sont noirs, hispaniques, d'origine asiatique ou amérindienne», a-t-elle tweeté. Les minorités non blanches représentent 66% de la population de Chicago.
Une pluie de critiques
L'association nationale des journalistes noirs (NABJ) a salué «la sensibilité» de Mme Lightfoot «au manque de diversité parmi celles et ceux qui couvrent les collectivités locales», mais indiqué qu'elle ne pouvait «pas soutenir cette tactique», «du fait de notre engagement en faveur de la diversité en général, de l'égalité et de l'inclusion».
Selon des chiffres publiés par la revue de l'école de journalisme de Columbia, moins de 17% des journalistes étaient issus de minorités aux Etats-Unis en 2018, alors que 40% de la population américaine ne se définit pas comme blanche.
Le journaliste d'origine hispanique Gregory Pratt couvre la mairie pour le Chicago Tribune et faisait partie des reporters retenus par Lori Lightfoot. Il a annoncé, sur Twitter qu'il avait conditionné la tenue de cet entretien à la levée des critères imposés par la maire.
Le cabinet de Lori Lightfoot a refusé, et le journaliste a décliné l'interview. «Les politiciens ne choisissent pas qui les couvre», a-t-il tweeté.
«Cela ressemble plus qu'autre chose à une opération de communication d'un élu dans une situation difficile, qui place, en plus, des journalistes de couleur dans une position étrange», a tweeté Astead Herndon, journaliste politique du New York Times.
«Mais soyons clairs», a-t-il poursuivi. «Des tas de politiciens ne donnent des interviews qu'à des journalistes blancs. Mais ils ne le disent pas publiquement.»
Une élue dans une situation difficile
Selon l'enquête trimestrielle Chicago Index publiée début avril, seuls 16% des personnes interrogées estimaient que Lori Lightfoot faisait un «bon» ou un «excellent» travail à la tête de la ville.
L'élue est notamment critiquée pour n'être pas parvenue à faire baisser la criminalité, en particulier le nombre de fusillades, mais aussi pour son bras de fer avec le syndicat des enseignants de la ville qui a entraîné la réouverture tardive des écoles, en mars.
«Nous n'allons pas là-bas pour jouer à la corde à sauter avec Lightfoot», a tweeté Morgan Elise Johnson, co-fondatrice du site d'information The Triibe, qui couvre l'actualité afro-américaine à Chicago. «L'insinuation que des journalistes de couleur ne vont pas lui poser des questions importantes m'agace vraiment.»
À droite, plusieurs commentateurs ont taxé de racisme la maire de Chicago.
L'animateur Tucker Carlson, de la chaîne Fox News à la ligne conservatrice, a comparé, sans ambages, cette décision à la politique de l'Allemagne nazie.
«Les Blancs sont disqualifiés parce qu'ils sont blancs, non pas parce qu'ils ont dit, fait ou pensé quoi que ce soit», a lancé l'éditorialiste qui réunit chaque soir plus de 3 millions de téléspectateurs, la meilleure audience de toutes les chaînes d'info en continu.
«Lori Lightfoot est un monstre», a-t-il lâché.
Il est très rare que des personnalités demandent publiquement à n'être interviewées que par des journalistes issus de minorités ethniques.
En 1992, le réalisateur américain Spike Lee avait expliqué préférer être interrogé par des reporters afro-américains pour parler de son nouveau film, «Malcolm X», sur la vie du leader noir assassiné en 1965. Le metteur en scène n'en avait cependant pas fait une condition sine qua non.
Si certains médias avaient officiellement refusé cette demande, plusieurs publications y avaient répondu favorablement, notamment mes magazines Vogue et Rolling Stone.
Début août 2020, le candidat démocrate à la présidence Joe Biden, depuis élu, avait accordé une interview exclusive à des journalistes afro-américains et d'origine hispanique à l'occasion de la convention de leurs associations professionnelles respectives, la NABJ et la NAHJ.