Dans l’attente d’une décision du Conseil d’État, des patrons de discothèques craignent de revoir cette année, après 2020, le déploiement de soirées improvisées devant leurs yeux, voire devant leurs locaux. Michael Fox, patron d'une boîte de nuit dans le IIe arrondissement de Paris et fondateur du groupe Lieux d'émotions, se penche pour Sputnik sur cette période difficile pour la profession.
L’interdiction des discothèques ne signifie pas que les gens cessent de faire la fête. Depuis un an, des jeunes ont organisé régulièrement des soirées «dans des appartements, dans des lofts, dans des Airbnb», «ça ne s’est jamais arrêté». Éventuellement, le secteur peinera à récupérer les clients d’avant.
«Le problème c’est que si ça arrive de continuer après [la réouverture], ça risque de prendre une part de marché des discothèques», explique Michael Fox, ajoutant que cela forcera les gérants à trouver des options différentes à celles utilisées avant.
Il se rappelle avoir observé, depuis le printemps dernier, des fêtes sauvages «de 1.000 personnes» s’organiser à proximité de son établissement.
«C’est hyper, hyper rageant. Vous avez votre établissement qui est fermé et vous avez en face de votre établissement, à quelques mètres, certains de vos clients qui font la fête, payent des bouteilles, payent des verres à des organisateurs qui font des fêtes sauvages. Donc c’est en fait votre chiffre d’affaires que vous voyez en face, qui part dans les caisses d’un organisateur voyou.»
Autre raison pour «éviter absolument ces fêtes sauvages»: les risques qu’elles réservent, tels que «le problème de drogue, d’alcool, de bagarre, de viol qu’il peut y avoir».
«Effectivement, quand vous organisez une fête sauvage, il n’y a pas d’encadrement comme dans une discothèque avec du personnel identifié, professionnel, certifié, qui connaît son métier et en l’occurrence un service de sécurité qui permet en cas de débordement d’intervenir. Là, en fête sauvage, si une bagarre commence, il n’y a personne qui peut intervenir. Donc il y a un vrai danger», poursuit le propriétaire du club.
«Concurrence déloyale»
Les discothèques ont plaidé leur cause au Conseil d’État le 19 mai pour exiger une réouverture le 30 juin. Deux référés-libertés, celui de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) et celui du Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs (SNDLL), ont été examinés, et la décision devrait être prononcée en début de semaine prochaine.
En cause, la catégorisation des établissements recevant du public (ERP). Selon le décret du 31 mai 2020, les «salles de danse et salles de jeu» et «restaurants et débit de boisson» sont des catégories différentes.
Le 18 juin, une zone d’urgence temporaire de la fête (ZUT) ouvrira à Paris. L’initiative prévoit la création d’espaces extérieurs de fête pour accueillir un public restreint pendant l’été. Nantes, Lyon et Brest souhaitent suivre l’exemple.
Une soirée-test envisagée?
Entre-temps, une discothèque-test pourrait se tenir et donner un coup de pousse à l’éventuelle réouverture, a appris Le Figaro auprès de l’UMIH Nuit.
Selon Michael Fox, il serait pourtant «beaucoup plus intelligent» de se baser sur les résultats du concert d’essai prévu à Bercy le 29 mai pour gagner du temps.
«Le temps d’organiser le test, le temps d’avoir le résultat du test… il faudra plusieurs semaines» et la réouverture n’aura lieu qu’en septembre si l’exécutif décide d’organiser une soirée-test après Bercy et dans les conditions similaires à Bercy.
«Du local dirigé nationalement»
Une quinzaine de maires se sont prononcés pour la réouverture. Une belle «action médiatique» qui n’a «malheureusement pas beaucoup de portée», estime l’interlocuteur de Sputnik, rappelant que le soutien des députés aux établissements de nuit «n’a jamais fonctionné» au début de la crise sanitaire.
«Le gouvernement ne veut pas, malgré ce qu’il dit, de local dirigé localement. Il veut du local dirigé nationalement», résume Michael Fox.