Depuis sa disparition lundi 17 mai, le militaire belge Jurgen Conings est toujours l’homme le plus recherché du plat pays. Mercredi soir, quelque 250 policiers et militaires ont été déployés avec des véhicules blindés autour d’une réserve naturelle dans la province du Limbourg, où l’individu se serait retranché, lourdement armé, indique l’AFP. Six coups de feu ont été entendus dans la soirée, précise la presse belge. Ce jeudi matin, toujours aucune nouvelle sur sa capture.
Tireur d’élite expérimenté ayant participé à des missions en ex-Yougoslavie, au Liban, en Irak et en Afghanistan, il est fiché par l’Ocam, l’organisme belge en charge de l’analyse de la menace terroriste, et qualifié d’«extrémiste potentiellement violent». Connu de ses pairs comme un «anti-vaccin», il s’était exprimé contre l’un des virologues les plus célèbres du pays, Marc van Ranst, lequel a été placé en lieu sûr avec sa famille.
Avant sa disparition, le militaire s’était rendu sur son lieu de travail, s’emparant de lance-roquettes antichar, d’armes à feu et de munitions. Il a également laissé deux lettres de menaces visant «les structures de l’État et des personnes publiques», selon le parquet fédéral belge.
Accès aux armes
«Comment quelqu’un d’actif au sein de la Défense, qui se trouve sur une liste de la Sûreté en tant que personne aux idées extrémistes, et qui a déjà proféré des menaces, a eu accès à des armes et a pu les emporter?», s’indigne le Premier ministre Alexander De Croo face à la presse belge.
De son côté, la ministre de la Défense Ludivine Dedonder a reconnu que M.Conings, en tant qu’instructeur, avait accès aux armes de la base militaire malgré son profil. Elle a assuré qu’une enquête interne sera menée au sein de l’armée afin qu’une telle situation ne se reproduise plus.
Le quotidien Le Soir indique que pas moins d’une trentaine de membres de l’armée belge sont «surveillés par les services du renseignement militaire pour leur “sympathie” avec l’extrême droite». Un rapport du renseignement alertait déjà en 2019 sur la «tendance à l’armement» de ces extrémistes. «La principale menace provient de ces individus connus sous le nom de "lone actors" [acteurs isolés, ndlr], qui se radicalisent et planifient seuls des actions violentes», prévenait-il.
Fiché mais pas radié
Comme l’explique dans De Morgen Yves Huwart, porte-parole du syndicat militaire ACMP-CGPM, le fait que Jurgen Conings soit connu pour son adhésion à l’idéologie d’extrême droite ne remettait pas en question sa carrière à la Défense.
«Ce n'est que lorsque vous commettez des infractions pénales ou que vous compromettez le nom et la réputation de l'armée en faisant certaines déclarations que vous vous exposez à des poursuites militaires ou pénales», précise-t-il.
Il confirme qu’une enquête sera ouverte par le commandement de l’armée sur le soldat de 46 ans, et que son «avenir à la Défense semble très incertain» si les faits qui lui sont reprochés sont avérés. «Si des armes ou des munitions ont été déplacées ou emportées de manière inexperte, des mesures seront certainement prises», ajoute-t-il.
Le cas allemand
La présence d’éléments radicaux dans l’armée a également été évoquée en Allemagne, dont la Bundeswehr a déjà été critiquée pour sa lutte insuffisante contre les dérives extrémistes en son sein. En janvier 2020, une enquête avait été ouverte sur plus de 500 soldats soupçonnés d’adhérer à des idéologies néonazies, dont la plupart dans les forces spéciales.
L’affaire trouve son origine dans l’arrestation de Franco Albrecht en 2017, lequel s’était fait passer pour un réfugié syrien et prévoyait de commettre un attentat. Il avait été retrouvé en possession de plusieurs armes à feu, munitions et engins explosifs volés à l’armée.
Il affirme de son côté avoir pris cette identité pour «vérifier à quel point le concept d'asile avait été dévoyé par les autorités allemandes, au détriment de la sécurité», niant tout projet violent. Son procès débute ce jeudi 20 mai à Francfort. Il risque jusqu’à dix ans de prison.
Dans l’armée française
L’armée française n’est pas non plus exempte de personnes radicalisées. En juillet 2020, Mediapart a repéré les publications sur les réseaux sociaux d’une dizaine de militaires ou ex-militaires, évoquant des références aux SS ou aux réseaux néonazis actuels. Ces révélations ont été prises «avec énormément de sérieux» par la ministre des Armées Florence Parly, laquelle a assuré sur Franceinfo que des sanctions seront prises à leur encontre, mais que ces cas restaient «extrêmement rares».
En mars, le site d’information a publié une nouvelle enquête faisant état cette fois d’une cinquantaine de militaires néonazis. Le ministère des Armées affirme pourtant qu’il n’y en a moins d’une dizaine et qu’ils ne sont «plus liés aux armées» et ont déjà été «lourdement sanctionnés». «Ces comportements condamnables relèvent du domaine de la dérive individuelle», conclut-il.
Enfin, suite à la publication d’une autre tribune dans Valeurs actuelles signée cette fois par des militaires d’active, Jean Castex a pointé une «manœuvre politique» et une «tribune politique d’extrême droite».