Elon Musk donne le tempo concernant le bitcoin. Après des tweets qui ont fait plonger les cours, le milliardaire s’est voulu rassurant. Alors que des messages brouillés laissaient craindre qu’il ait vendu les 1,5 milliard de dollars de bitcoins investis cette année, le troisième homme le plus riche du monde a mis fin aux rumeurs.
Reste que le bitcoin est en souffrance. Après avoir temporairement perdu jusqu’à 30% le 19 mai, la devise numérique a repris du poil de la bête. Ce 20 mai à 14h55, son cours s’évalue à 41.853 dollars, soit une augmentation de 24,26% sur 24 heures, selon le site spécialisé Cryptoast. Une belle «remontada» qui n’efface pas le fait que la cryptomonnaie star est très loin de son record à plus de 60.000 dollars.
«Les cryptomonnaies ont créé une bulle»
Elon Musk maintient sa décision de refuser les paiements en bitcoin pour ses véhicules électriques, mettant en avant des considérations environnementales. Pas de quoi condamner la cryptomonnaie, mais de quoi remettre en cause un succès qui semble plus que jamais fragile. La communication brouillée d’un Elon Musk qui serait «en train de ridiculiser les crytpos», selon Anice Lajnef en est l'illustration. Au micro de Sputnik, cet ancien trader basé à Londres rappelle que les liquidités sont aujourd’hui très abondantes sur les marchés.
«Au même titre que les marchés actions, les cryptomonnaies ont créé une bulle», ajoute-t-il.
Selon l'ancien trader, à l’excès de liquidités s’ajoute le paramètre «innovation» de la blockchain: «Cela crée un contexte comparable à la révolution de l’Internet. Les innovations s’accompagnent de bulles sur les marchés.»
La chute du bitcoin, qualifié de «flash-crash» par Edward Moya, analyste d’Oanda Corp., a été accentuée par Pékin. «Après la volte-face de Tesla, la Chine a remué le couteau dans la plaie en déclarant que les monnaies virtuelles ne devraient pas et ne peuvent pas être utilisées sur le marché, parce qu’elles ne sont pas des monnaies réelles», explique Fawad Razaqzada, analyste de Thinkmarkets.
La Chine a notamment mis en avant le danger de la «spéculation», dans un pays qui prépare par ailleurs son propre yuan numérique. Nation qui compte le plus grand nombre de fermes de minage de bitcoins, la Chine a, en 2019, rendu illégaux les paiements en cryptomonnaies, accusées d’être un instrument au service «d’activités criminelles». Anice Lajnef souligne également un certain «manque de repères» concernant les cryptos.
«Des indicateurs existent concernant les actions. Les résultats d’une entreprise, par exemple. Ce n’est pas le cas des cryptomonnaies, qui sont extrêmement volatiles», analyse l’expert.
La Fédération nationale de financement sur Internet, la Fédération bancaire de Chine et la Fédération de paiement et de compensation ont publié un communiqué commun accusant les monnaies virtuelles de porter «gravement atteinte à la sécurité des biens des personnes et perturber l’ordre économique mondial.»
«La révolution blockchain»
Même du côté de Coinbase, plateforme américaine d’échange cotée, l’air est à la morosité. Elle a chuté d’environ 6% à Wall Street le 19 mai. La cause? De grosses vagues qui ont baloté ces actifs très volatils. Par le biais de Twitter, Coinbase a prévenu qu’il était en conséquence difficile de se connecter, de consulter son solde ou d’acheter ou vendre des devises virtuelles. L’euphorie n’est plus de mise pour une entreprise qui, avec une capitalisation proche des 100 milliards de dollars, a doublé le 14 avril Facebook en tant que plus grosse valorisation jamais accordée à une entreprise américaine entrant en Bourse.
«Les gens ne prennent pas assez en considération l’aspect confiance dans la monnaie. Les cryptomonnaies bénéficient de la révolution blockchain appliquée à la monnaie, mais ils ne voient pas le côté “immatériel”. La confiance des investisseurs en cryptos se dirigent vers des gens comme Elon Musk, un milliardaire suivi par un nombre colossal d’individus, qui peut changer le cours du bitcoin d’un simple tweet.»
L’argument qui veut que le bitcoin soit décentralisé est discutable au moment où un influenceur peut en changer la valeur d’un simple coup de clavier, estime en conséquence Anice Lajnef.
Et la doyenne des cryptomonnaies n’est pas la seule touchée par ce vent de défiance. La deuxième plus importante cryptomonnaie, l’ethereum, a également fortement souffert le 19 mai, en lâchant 22% à 2.653 dollars. Mais, à l’instar du bitcoin, l’ethereum s’est fortement repris. À 15h20 ce 20 mai, sa valeur atteignait 2.957 dollars, soit une augmentation de 27,84% sur 24 heures d’après Cryptoast.
Cette reprise sera-t-elle durable? Le spécialiste interrogé par Sputnik n’est pas optimiste. «Les Banques centrales injectent des liquidités colossales et créent par ce fait des bulles sur les cryptomonnaies. Sans parler de l’épargne accumulée par les plus aisés dans le sillage du Covid-19, plus de 200 milliards d’euros en France pour exemple.»
«Ce sont les politiques monétaires des Banques centrales qui font penser que les cryptomonnaies peuvent réussir, notamment à cause de la perte de confiance dans les devises induite par une planche à billets qui part dans tous les sens», conclut le trader basé à Londres.