Ce que se sont dit la Russie et les USA lors de la première rencontre de l'ère Biden

Une première rencontre «constructive» pour préparer le terrain à un probable sommet entre Joe Biden et Vladimir Poutine: les ministres américain et russe des Affaires étrangères ont affiché mercredi en Islande leur volonté d'apaisement sans masquer le profond fossé qui sépare les deux pays rivaux.
Sputnik

Très attendue, l'entrevue de près de deux heures, en marge du Conseil de l'Arctique, était la première depuis l'élection du nouveau président américain, qui a été suivie par des échanges de sanctions et d'accusations très dures entre les États-Unis et la Russie, dont les relations sont au plus bas depuis la fin de la Guerre froide.

L'expérimenté ministre russe Sergueï Lavrov a salué des discussions «constructives». Les deux puissances «comprennent la nécessité de mettre fin au climat malsain» des «dernières années», a-t-il affirmé.

Côté américain, on a aussi évoqué une discussion «productive», «constructive», «respectueuse» et «honnête».

«Il n'y a pas eu de percée ce soir, mais nous avons préparé le terrain de manière efficace», a dit aux journalistes un haut responsable américain.

Vers une rencontre entre chefs d’État

Il s'agissait en effet notamment de confirmer la tenue d'un prochain sommet Biden-Poutine, envisagé dans un pays européen peut-être en juin -- dans la foulée, côté occidental, des réunions des dirigeants du G7 et de l'Otan qui feront la part belle à l'affichage d'un front commun anti-Moscou.

Aucune annonce mercredi soir à Reykjavik à ce sujet, les ministres ayant décidé de laisser la Maison-Blanche et le Kremlin le soin de confirmer la possible rencontre et en fixer la date et le lieu, selon le responsable américain.

Entre apaisement et menaces

Les deux hommes ont en revanche alterné appels à la coopération et mises en garde.

Malgré les «divergences» nombreuses, «notre vision est que si les dirigeants de la Russie et des États-Unis peuvent travailler en coopérant» face aux défis communs, «le monde sera plus sûr», a déclaré Antony Blinken au début de la réunion, appelant de ses vœux une relation «stable et prévisible».

«Mais si la Russie se comporte de manière agressive contre nous, nos partenaires ou nos alliés, nous allons répondre», a-t-il prévenu.

Lors de l'entretien, l'Américain a exprimé les «profondes inquiétudes américaines», notamment sur le déploiement de troupes russes en Ukraine et près de la frontière, ou encore sur la santé de l'opposant Alexeï Navalny, selon le département d'État.

«Nous sommes prêts à discuter de toutes les questions, sans exception, à condition que la discussion soit honnête (...) et se base sur un respect mutuel», a répondu Sergueï Lavrov.

Devant la presse, l'échange est resté courtois -- bien loin du grand déballage qui avait opposé Antony Blinken à son homologue chinois pour leur première rencontre en mars en Alaska.

La concession du Nord Stream 2

Avant le tête-à-tête, et à la veille de la réunion des huit pays riverains de la région (États-Unis, Russie, Islande, Canada, Danemark, Finlande, Suède, Norvège), Washington a aussi fait un geste susceptible d'apaiser les tensions.

Après avoir laissé planer depuis des semaines la menace de mesures punitives contre le gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne, l'administration Biden a finalement décidé de ne pas sanctionner la principale société impliquée dans le projet, Nord Stream AG, et son directeur général.

Le président américain veut ainsi éviter de se fâcher avec l'allié allemand - et fait par ricochet une faveur à Moscou, dénoncée à l'unisson par ses opposants républicains mais aussi plusieurs ténors de son camp démocrate.

Le Kremlin a salué un choix «positif» avant même la confirmation officielle côté américain.

Biden et la Russie

Depuis son arrivée à la Maison-Blanche en janvier, le président Biden affiche une grande fermeté à l'égard de la Russie de Vladimir Poutine, qu'il est allé jusqu'à qualifier de «tueur» - pour mieux marquer la rupture avec son prédécesseur Donald Trump, accusé de complaisance à l'égard du maître du Kremlin.

Et les déclarations qui avaient précédé le face-à-face dans la capitale islandaise ne laissaient pas toutes présager la «désescalade» que Washington et Moscou disent appeler de leurs vœux.

Alors qu'Antony Blinken semble vouloir faire de l'Arctique, nouvel enjeu géopolitique au cœur de la réunion régionale qui les rassemble mercredi et jeudi dans la capitale islandaise, un laboratoire d'une certaine coopération ciblée sur des défis communs comme la lutte contre le réchauffement climatique, Sergueï Lavrov avait fait monter la tension avec des propos tonitruants.

«Il est clair pour tout le monde depuis longtemps que ce sont nos terres, notre territoire», avait-il lancé lundi au sujet du Grand Nord, défendant une sorte de pré carré russe et dénonçant notamment les velléités «offensives» des Occidentaux via l'Otan et la Norvège.

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