Au Cameroun, la condamnation de deux transgenres au cœur d’une controverse

À Douala, au Cameroun, deux transgenres viennent d'écoper de 5 ans de prison ferme pour "tentative d'homosexualité". Sur les réseaux sociaux, le débat sur l’homosexualité, pénalisée, est relancé. Certains affichent leur homophobie, alors que d'autres, à l'instar des défenseurs de droits de l’homme, dénoncent un climat anti-LGBT dans le pays.
Sputnik

La sentence a été rendue mardi 11 mai par le tribunal de première instance de Douala-Bonanjo. Deux personnes, Njeukam Loïc Midrel, alias Shakiro et Mouthe Roland, alias Patricia ont toutes deux été reconnues coupables de "tentative d'homosexualité" et "outrage public aux mœurs". Une sentence de cinq ans de prison ferme et de 200.000 FCFA (368 dollars) d'amende a été prononcée. Soit la peine maximale prévue par la loi.

Leur arrestation, qui s'est produite dans un restaurant de Douala alors qu'elles portaient une tenue féminine, remonte au 8 février 2021. Les deux personnes ont été placées, depuis, en détention à la prison centrale de New-Bell, dans la même ville. Un de leurs avocats, Alice Nkom, est aussi une militante des droits de l’homme connue pour son engagement en faveur des homosexuels. Dans une déclaration à Sputnik, elle remet en question la sentence du tribunal.

«Il n'y a pas de preuve qu'un acte homosexuel a été pratiqué. Personne ne les a surpris en flagrant délit d'homosexualité. On les a arrêtés dans un restaurant alors qu'ils étaient tout juste assis-là. Or, la loi réprime l'acte et non pas une simple suspicion d'acte. C'est donc une sentence illégale qui viole toutes les lois et une très grave violation des droits de l'homme », accuse l’avocate.

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L'avocate n’entend pas accepter la sentence. N’en déplaise à ses contradicteurs, elle compte porter l’affaire devant d’autres instances de décision.

«Nous faisons appel de cette sentence pour la dénoncer collectivement avec la dernière énergie. Cette affaire doit être jugée au niveau de la Cour suprême, sinon devant la Commission africaine des droits de l'homme et même aux Nations unies. Le Cameroun ne peut pas se targuer d'être un pays où l’on viole les droits de l'homme», poursuit Alice Nkom.

Un sujet qui fait fureur sur les réseaux sociaux

Relativement populaire sur les réseaux sociaux, «Shakiro» laissait peu d'internautes indifférents. En février dernier, la nouvelle de son interpellation avec "Patricia" avait soulevé une vague de satisfaction d’un côté, et d’incompréhension de l’autre. À l'annonce de la sentence, la Toile camerounaise était tout aussi partagée.

Dans l’opinion comme sur les réseaux sociaux, la condamnation des deux transgenres a en tout cas relancé le débat sur l’homosexualité (à laquelle a été assimilée la transidentité) au Cameroun. Si, pour certains, la pratique demeure inacceptable dans le pays, d’autres estiment qu'il est peut-être temps de changer les mentalités. C'est notamment le combat de nombreux militants de droits de l’homme qui se heurtent encore à de nombreuses barrières socioculturelles. Et pour cause, l’homophobie occupe encore une place de choix dans les mœurs locales.

L'appel de HRW

Au Cameroun, la pratique de l’homosexualité est incriminée depuis 1972. L'article 37-1 du Code pénal camerounais punit d'un emprisonnement de six mois à cinq ans, ainsi que d'une amende de 20.000 (36 dollars) à 200.000 FCFA (368 dollars), «toute personne qui a des rapports sexuels avec une autre de même sexe». Cependant, des ONG et spécialistes des droits de l'homme luttent pour sa dépénalisation. Pour Alice Nkom,

 

«Il faut absolument dépénaliser l'homosexualité parce que chacun doit avoir la liberté de son orientation sexuelle. On ne peut pas imposer une orientation sexuelle aux gens. D'autant plus que, d'un point de vue procédural, prouver l'homosexualité est presque impossible, à moins de se rendre coupable d'une violation de domicile», plaide-t-elle.

Fin avril, Human Rights Watch (HRW) avait dans un communiqué dénoncé des vagues d'arrestations visant la communauté LGBT au Cameroun, en exhortant les autorités camerounaises à abroger cet article du code pénal camerounais. Le 12 mai, en réagissant à cette dernière affaire, Neela Ghoshal, la directrice adjointe -division LGBT- de l'organisation, a appelé les autorités à «les remettre en liberté et mettre fin à la persécution anti-LGBT».

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