La présence d’une femme voilée sur une affiche électorale de La République en marche à Montpellier continue à faire des remous. Le délégué général du parti Stanislas Guérini a menacé de retirer son soutien si la photo n’est pas changée. Ses collègues ont cependant rappelé qu’aucun texte de loi n’interdit le port de signes religieux.
Ce que prévoit la Constitution
En France, aucune loi n’interdit à un candidat d’afficher des signes religieux sur ses tracts. Selon la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, «la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public».
L’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que «nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi».
Le principe de laïcité ne s’applique pas aux candidats
Mais voilà, la neutralité religieuse n’est imposée qu’aux agents publics. Dans un avis du 3 mai 2000, le Conseil d’État rappelle «que le principe de liberté de conscience ainsi que celui de la laïcité de l'État et de neutralité des services publics s'appliquent à l'ensemble» des services publics et que «le principe de laïcité fait obstacle à ce que [les agents publics] disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses».
Contrairement aux agents publics, les élus et les candidats peuvent manifester leur appartenance à une religion parce qu’ils ne représentent pas l’État, mais la société. Ainsi dans un conseil municipal, départemental ou régional, les élus peuvent porter le voile, bien que la coutume soit de ne pas mettre en avant ses convictions religieuses.
«Il y a des jurisprudences qui ont tranché ce point en disant qu’il n’y avait pas de problème. Le principe de laïcité ne s’applique pas aux candidats. Ils peuvent utiliser leur liberté de religion et porter le voile», explique au Parisien Romain Rambaud, professeur de droit public à l’université Grenoble Alpes et spécialiste du droit électoral.
Un cas en 2010
Une histoire semblable s’est produite en 2010 quand, lors des élections régionales, le Nouveau parti anticapitaliste avait présenté Ilham Moussaïd, une femme voilée, sur l’image de leur liste. Saisi, le Conseil d’État avait alors confirmé la validité de sa candidature et rejeté la demande de l’invalider.
Réaction du gouvernement
La requête de Stanislas Guérini n’est pas passée inaperçue auprès du gouvernement. Interrogé, son porte-parole Gabriel Attal a répondu que «juridiquement, rien n'empêche une personne de se présenter à une élection avec un signe religieux».
«Pour la LREM, on ne souhaite pas présenter de candidats avec un signe ostensible religieux, c'est une question de choix politique», a-t-il toutefois tenu à souligner.
Camp majoritaire divisé
Sur la photo pointée par le numéro deux du Rassemblement national, Sara Zemmahi, candidate remplaçante à Montpellier, porte un voile sous le slogan «Différents mais unis pour vous!».
Parmi ceux qui ont rappelé à Stanislas Guérini que la loi française n’interdit pas aux candidats aux élections d’afficher leurs signes religieux figurait la députée du Val-d’Oise Cécile Rilhac.
«L’extrême droite ne doit pas dicter notre agenda politique, et encore moins les règles électorales. Aucun texte de loi n’interdit le port de signes religieux dans une campagne électorale ou lors d’un mandat», a-t-elle tweeté.
Son collègue de l’Eure-et-Loir, Guillaume Kasbarian, a lui décidé de soutenir sur Twitter M.Guérini, rappelant que lorsqu’«on est un élu de la République (ou quand on aspire à le devenir), on représente tous les Français. À ce titre, on réserve ses éventuelles convictions religieuses à son intimité personnelle. Ligne de conduite républicaine classique, qui devrait faire largement consensus».