Ce 3 mai à 15h10, le cours de l’ethereum atteint 3.128 dollars. Le 1er janvier, il était sous les 1.000 dollars. Cette prise de valeur de plus de 200% depuis le début de l’année a placé la cryptomonnaie sous le feu des projecteurs. Moins connu que le bitcoin, l’ethereum est aujourd’hui la deuxième cryptomonnaie en termes de capitalisation: environ 362 milliards de dollars. C’est bien moins que les plus de 1.000 milliards du bitcoin dont le cours est également bien supérieur: 58.626 billets verts à 15h15 ce 3 mai. Mais cela pourrait bientôt changer d’après plusieurs analystes.
C’est notamment le cas de Ian Balina, fondateur et PDG de Token Metrics, qui a récemment qualifié dans Insiderle bitcoin de «surestimé»: «Nous pensons que le bitcoin a eu l’avantage du premier arrivé. Mais, en termes de technologie à long terme, nous pensons que l’ether dépassera le bitcoin parce que, si vous regardez les développeurs, tous utilisent maintenant l’ether. Il compte dix fois plus de développeurs actifs mensuellement que le bitcoin.»
L’importance de la finance décentralisée
Maël Rolland est un spécialiste des cryptomonnaies. Ce doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) confie, au micro de Sputnik, le côté hasardeux d’un pronostic quant au prochain roi des crytpos:
«Dire que l’ethereum sera plus cher que le bitcoin n’a pour moi pas beaucoup de sens. On n’a pas de modèle de prévision. Il s’agit de cryptomonnaies. Ce qui veut dire beaucoup d’autoréalisation [de subjectivité, ndlr] et de psychologie collective.»
D’après l’expert, les performances de l’ethereum s’expliquent notamment par des raisons de développement structurel et d’écosystème. «Il y avait déjà eu une flambée fin 2017 provoquée par l’euphorie de certains investisseurs qui voyaient ou croyaient voir en ces technologies des rendements potentiels importants. On promettait de les développer dans tous les secteurs et depuis 2017 les équipes de développement ont bien bossé», analyse-t-il.
«Des choses sont apparues, au début de manière très confidentielle notamment dans ce que l’on nomme la DeFi ou finance décentralisée. Je préfère parler de mon côté d’open finance car le terme décentralisé peut faire croire à une absence totale d’intermédiaire alors qu’il y a encore des formes d’intermédiation», ajoute Maël Rolland.
L’ethereum est en effet la cryptomonnaie la plus impliqué dans la finance décentralisée. D’après le site spécialisé Crytptoast, l’objectif de cette dernière est «de permettre la transmission de valeur et la création d’une finance pour tous et sans intermédiaire comme peuvent l’être les banques ou les plateformes d’échange». Elle est censée permettre à tous d’obtenir des prêts et «plusieurs millions d'ethers sont ainsi mis en collatéral (bloqués) pour une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars», souligne Cryptoast.
«La DeFi s’est beaucoup développée et a attiré de nombreux acteurs et avec eux des centaines de millions de dollars. Les rendements obtenus sont sans commune mesure avec ce que l’on obtient dans la finance classique», explique Maël Rolland.
«Le réseau ethereum est depuis longtemps caractérisé par un rythme de transactions plus élevé sur la blockchain publique que le bitcoin, probablement en grande partie en raison de l'activité accrue sur DeFi et d'autres plateformes», note quant à eux les analystes de la célèbre banque d’affaires JP Morgan.
Ces derniers estiment que le bitcoin remplit plus le rôle de marchandise que de monnaie et qu’il se trouve en concurrence avec l’or en tant que valeur refuge. Au contraire de l'ethereum qui pour eux est «l'épine dorsale de l'économie des crypto-monnaies et sert de moyen d'échange»: «Dans la mesure où posséder une part de cette activité potentielle a plus de valeur, selon la théorie, l'éther devrait surperformer le bitcoin sur le long terme.»
La révolution «NFT»
Même son de cloche du côté de John Wu, PDG d’Ava Labs. Alors qu’il s’exprimait auprès d’Insider, il a estimé que «l’utilité finira par l’emporter sur un actif de réserve de valeur». Selon lui, le bitcoin n’a qu’une fonctionnalité unique de valeur de stockage. «Nous entrons dans un monde où les cas d’utilisation sont plus nombreux — et cela l’emporte toujours sur une fonction unique qui est un actif ou une valeur de stockage», a-t-il ajouté.
Autre donnée essentielle pour comprendre le succès de l’ethereum: «le boom des NFT», comme le souligne Maël Rolland. Les «jetons non fongibles» ou NFT sont, à l’inverse du bitcoin, non échangeables et non utilisables pour des échanges. Ils ont une valeur unique, ce qui n’est pas le cas d’un bitcoin qui vaut autant qu’un autre bitcoin. Si l’ethereum est une cryptomonnaie, sa technologie blockchain joue un rôle majeur pour les NFT.
«Cela a permis à l’ethereum d’apparaître dans des groupes sociaux plus large qu’auparavant. Le milieu de l’art, par exemple, ou tout simplement des investisseurs lambda s’y sont intéressés. D’une manière plus générale, nous assistons à une modification de l’écosystème et de l’environnement économique et social», note Maël Rolland.
Le doctorant évoque notamment l’affaire Gamestop. Celle-ci a mis en avant le rôle des petites plateformes de trading qui permettent d’investir sur les marchés financiers. «De la même manière, l’ethereum permet d’investir dans les nouvelles technologies», explique Maël Rolland.
Pour notre interlocuteur, pas question d’enterrer le bitcoin, qu’il qualifie de «projet différent»: «Ils n’ont pas le même statut. Quand on voit des acteurs comme Tesla qui investissent une partie de leur trésorerie en bitcoins, cela montre que des institutionnels ont aujourd’hui une certaine forme de confiance dans le statut d’actif financier du bitcoin.»
Les raisons? «Sa sécurité et le fait qu’il soit le doyen des crytpomonnaies», note par exemple l’expert. Et de poursuivre: «C’est différent pour l’ethereum qui a d’autres usages et d’autres problèmes. C’est notamment bien moins sûr. Vous l’utiliseriez pour des projets de recherche et développement mais n’y investiriez pas votre trésorerie.»