Une momie particulière a été découverte par des égyptologues polonais au musée national de Varsovie dans le cadre du Warsaw Mummy Project: celle d’une femme enceinte, la première au monde.
Une momie d’autant plus troublante que les experts qui s’étaient penchés auparavant sur son histoire avaient conclu qu’il s’agissait de celle… d’un homme, prêtre et scribe. Les résultats de l’étude sont publiés dans le Journal of Archaeological Science.
«Le fœtus n’a pas été retiré de l’abdomen de la défunte pendant la momification, ce qui en fait une momie vraiment unique […] Nous n’avons pas pu trouver de cas similaire, ce qui signifie que "notre" momie est la seule connue au monde d’une mère avec un fœtus», indique à Sputnik l’auteur principal de la publication, Wojciech Ejsmond, de l’Institut polonais des cultures méditerranéennes et orientales.
De nouvelles études entamées en 2016 ont établi que la momie, découverte dans les tombes royales de Thèbes et datant du Ier siècle avant J.-C., était en fait celle d’une femme. Les rayons X et la tomographie ont permis de le comprendre sans même procéder à son démaillotage.
«En examinant des images radiographiques, mon mari Stanislaw, égyptologue, et moi avons remarqué dans le ventre de la femme décédée un cadre familier pour les parents de trois enfants: un petit pied», a déclaré pour sa part aux journalistes Marzena Ozarek-Szilke, anthropologue et archéologue à l'université de Varsovie.
Toutefois, Wojciech Ejsmond rappelle qu’au XIXe siècle déjà, les scientifiques estimaient qu’ils avaient affaire à la momie d’une femme. Selon lui, le couvercle coloré du sarcophage, lui-même décoré de fleurs, ainsi qu’une fine sculpture du visage pouvaient être associés à la féminité.
«Mais à la fin des années 1920, des inscriptions déchiffrées sur le couvercle recouvrant la momie et le sarcophage ont indiqué que ce dernier appartenait à un prêtre qui a vécu à Thèbes au Ier siècle avant J.-C. Ainsi, au cours des décennies suivantes, la momie était considérée comme celle d'un homme.»
La femme était issue de l'élite locale et a été soigneusement momifiée, enveloppée de tissus et équipée d'un riche ensemble d'amulettes, précisent les scientifiques. Elle avait entre 20 et 30 ans et était enceinte de 26 à 30 semaines au moment de sa mort.
Coutumes funéraires
La momification de cette femme suscite également une autre question de taille: comment se fait-il que le fœtus n’ait pas été enlevé alors que les organes internes étaient toujours extraits lors de l’embaumement?
«Cette momie nous a ouvert les yeux sur des aspects jusque-là inconnus des coutumes funéraires: quel était le statut de l'enfant à naître dans la religion égyptienne? L'enfant qui n'était pas encore né faisait-il partie de la mère et n'avait-il pas encore d’âme ni de personnalité? Peut-être que la raison était purement pratique: à ce stade de la grossesse, extraire le fœtus de l'utérus sans l’endommager ou infliger des blessures au corps de la mère est pratiquement impossible», explique Wojciech Ejsmond.
Il rappelle dans ce contexte que la momification ne prévoit pas d’ôter tous les organes internes, mais seulement les poumons, l'estomac avec les intestins et le foie. Les reins, par exemple, restent ou sont remis généralement en place.
«Le cas d’une femme enceinte décédée étant rare, les embaumeurs ne savaient peut-être simplement pas quoi faire.»
Wojciech Ejsmond fait également remarquer à Sputnik que la momie pourrait appartenir à une période plus éloignée. En effet, elle présente un exemple de très haut niveau de compétence des embaumeurs. Or, le Ier siècle avant J.-C. était une période de déclin de cet art et de nombreuses momies de cette époque sont de très mauvaise qualité.
«Ici, nous avons affaire à une technique de momification caractéristique d'une période antérieure», conclut-il.
D’autres études en vue
Selon Marzena Ozarek-Szilke, il est étrange que le fœtus ait été laissé dans l’abdomen. Y avait-il des difficultés à le retirer? Était-ce une tentative de camoufler la grossesse? Existait-il un sens lié aux croyances de la renaissance dans l’au-delà?
Les experts se proposent maintenant de percer le mystère des causes qui ont entraîné la mort de la femme. L’analyse des traces de sang conservées dans les tissus pourrait permettre de préciser les raisons du décès parce que certaines toxines indiquent, selon eux, des maladies qui peuvent être détectées encore aujourd’hui.
La momie est arrivée en Pologne au XIXe siècle et fait partie de la collection d'antiquités de l'université de Varsovie. Elle est conservée au Musée national depuis 1917, précise l’agence de presse polonaise PAP.
Les nouvelles techniques au secours des chercheurs
Les momies semblent conserver de nombreux secrets et savent nous réserver des surprises à plus de 2.000 ans de distance. Ainsi, les chercheurs ont établi qu’une momie exposée depuis 1835 à l’Ulster museum, à Belfast, a été victime d'une mort violente à la suite d’une attaque à la hache. Il y a à peine un an, en janvier 2020, les scientifiques savaient déjà qu’elle était tombée d’un coup porté par une arme blanche, mais c’était un couteau qui était considéré comme l’arme du crime.
Lors de fouilles dans le nord de l’Égypte, des archéologues ont découvert il y a deux mois plusieurs momies dont l’une avait une langue dorée. Les experts estiment que les embaumeurs ont pu vouloir aider le défunt à parler avec Osiris, le souverain du monde de l’au-delà.
Grâce à des technologies toujours plus poussées, des chercheurs américains ont étudié un artefact placé à l’intérieur d’une momie égyptienne, qu’il avait été impossible d’identifier avec précision il y a une vingtaine d’années. Il s’agit d’une amulette destinée à protéger spirituellement la momie et ayant apparemment la forme d’un scarabée.