Malgré un retrait américain d’Afghanistan, «on peut tout à fait imaginer que les forces spéciales vont être maintenues»

C’est la énième fois qu’un Président américain dit vouloir retirer les troupes d’Afghanistan. Quelles sont les chances que Joe Biden soit celui qui réussisse? Analyse de Alexandre Vautravers, chercheur associé au Geneva Centre for Security Policy (GCSP), pour Le Désordre mondial.
Sputnik

Joe Biden a annoncé que les troupes américaines auraient «quitté l’Afghanistan avant le 20e anniversaire des odieux attentats du 11–Septembre».

Le Président américain aurait apparemment pris sa décision après avoir consulté ses prédécesseurs, George W. Bush et Barack Obama. «Avec la menace terroriste qui sévit maintenant dans de nombreux endroits, garder des milliers de soldats au sol et concentrés dans un seul pays et les milliards [de dollars dépensés, ndlr] chaque année n’a pas de sens pour moi et pour nos dirigeants», a-t-il précisé. S’il réussit à retirer tout le personnel militaire américain d’Afghanistan, il tiendra ainsi l’une des principales promesses de campagne… de Donald Trump.

Retrait total des troupes américaines d’Afghanistan après 20 ans de présence: capitulation de Washington?
Est-il possible que le retrait des troupes américaines signifie simplement leur remplacement par des sociétés militaires privées, qui sont déjà nombreuses sur le terrain? Sous Biden, la guerre en Afghanistan prendra-t-elle vraiment fin ou se transformera-t-elle afin de mieux dissimuler toute responsabilité de Washington? Alexandre Vautravers, chercheur associé au Geneva Centre for Security Policy (GCSP) et rédacteur en chef de la Revue militaire suisse (RMS), considère que cette décision ne doit pas faire oublier certaines réalités sur le terrain:

«Les opérations de retrait font partie des interventions militaires les plus complexes à réaliser. Il y aura différentes étapes. Le Président américain exprime ici la volonté de ne plus avoir sur le terrain d’unités militaires responsables de secteur. Par contre, on peut tout à fait imaginer que les troupes d’appui au combat, les forces utilisées dans le domaine du renseignement, les forces aériennes, les forces spéciales, les opérations clandestines vont être maintenues.»

Comment expliquer le manque d’unanimité parmi les militaires face à la décision du Président américain?

«Dans l’armée américaine comme ailleurs, les militaires sont payés davantage lorsqu’ils sont en opération. Ils peuvent également prétendre à un grade supérieur. Les soldats de carrière préfèrent donc participer à ces opérations extérieures», explique, pragmatique, Alexandre Vautravers.

Depuis Bush fils, chaque Président promet régulièrement de rapatrier le contingent américain d’Afghanistan et pourtant, il est toujours là. Alexandre Vautravers rappelle pour illustrer ce propos ce qu'il s’était passé sous Barack Obama.

«Une fois au pouvoir, Barack Obama avait opté pour le "surge", c’est-à-dire renforcer les capacités sur place, passant de 60.000 à 90.000 militaires américains pendant une année. Ce "surge" était une opération visant à pacifier la région de manière à permettre le désengagement des troupes. Si cela a produit des effets, cela n’a pas sécurisé à long terme la situation et donc les forces américaines ou de l’OTAN n’avaient pas pu se retirer.»
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