«Nous avons l’impression d’être pestiférés»: la galère des marins pendant la pandémie

Restrictions de circulation, quarantaines, changements de règles, autant de problèmes engendrés par la pandémie qui détériorent les conditions de travail des marins. D’où des crises d’angoisse, des burn out, des pensées suicidaires. Alors que beaucoup raccrochent le ciré, les syndicats appellent à les vacciner en priorité.
Sputnik

Les conditions de travail des marins se sont fortement dégradées avec la pandémie de Covid-19. Partant en mission, ils ne savent plus combien de temps elle va durer d’où un sentiment d’incertitude et l’envie de baisser les bras, rapporte France 24.

Contrairement à la majorité des branches mises à l’arrêt par la pandémie, le commerce maritime, qui représente environ 80% de celui international, n’a jamais stoppé et même si la situation s’est arrangée pour les 18.000 membres du personnel de la marine marchande française ces derniers doivent composer avec des restrictions de circulation qui changent constamment, des quarantaines parfois très strictes et des conditions de vie à bord des navires dégradées par la mise en place des gestes barrières.

France 24 cite en exemple l’expérience d’un marin, Benoît, parti en mer quatre mois et demi au lieu des deux initialement prévus.

«Habituellement, mon bateau suit une ligne régulière qui part des États-Unis pour rejoindre l'Asie. On dessert quatre ou cinq ports américains avant de rejoindre Singapour par le canal de Suez. On fait ensuite escale au Vietnam, en Chine, en Corée, avant de repartir vers les États-Unis», détaille-t-il.

Mais en mars 2020, rien ne s’est passé comme prévu et dans les ports les membres d’équipage ont eu interdiction de mettre pied à terre.

La situation s’est aggravée alors qu’il apprenait que les relèves étaient annulées et que l’équipage de remplacement n’avait pas décollé afin de les rejoindre.

«Nous étions dans l'incertitude la plus totale», se souvient-il.

Bienvenus nulle part

Benoît et ses coéquipiers débarquent finalement sur l'île de La Réunion mi-mai 2020, soit deux mois et demi plus tard que prévu.

«Il était hors de question que je reparte au long cours dans ces conditions. Nous avions l'impression d'être des pestiférés! Nous n'étions les bienvenus nulle part», confie à France 24 un autre marin, Frédéric. 

Camille Jégo, coordinatrice du centre de ressources d’aide psychologique en mer au CHU de Saint-Nazaire, a expliqué à la chaîne de télévision qu’en moyenne les marins étaient dix fois plus touchés que la population générale par des états de stress post-traumatique.

«Sur le plan psychologique, c'est de la torture»

Selon elle, certains marins font état d’une grande détresse psychologique depuis un an accompagnée de crises d’angoisse, de burn out, de pensées suicidaires.

«La crise sanitaire a ajouté énormément de stress. Il y a l'angoisse qu'un cas de Covid-19 se déclare à bord, l'incertitude de savoir quand on pourra rentrer, la pression de la famille qui attend leur retour. À cela s'ajoute la fatigue accumulée après des semaines de navigation et l'isolement, qui se fait de plus en plus pesant.»

D’après Jean-Philippe Chateil, secrétaire général de la CGT des officiers de la marine marchande, les marins français les moins chanceux ont passé jusqu'à six mois à bord tandis que certains étrangers, venant de pays moins regardants sur les droits des travailleurs, ont été bloqués jusqu'à 22 mois en mer.

«Sur le plan psychologique, c'est de la torture», explique-t-il à la télévision en évoquant «une vague de suicides», notamment celui fin janvier d’un marin indien dans le golfe d'Oman après 13 mois en mer.

La vaccination en priorité n’est pas autorisée

Pierre Maupoint de Vandeul, président du syndicat CFE-CGC Marine, et Jean-Philippe Chateil insistent de concert sur la nécessité de faire vacciner les marins en priorité.

France 24 constate cependant que le gouvernement ne les a pas placés dans la liste des professions autorisées à se faire immuniser à partir du samedi 24 avril. Il assure cependant que «des travaux sont en cours avec le ministère des Transports pour examiner des modalités particulières de vaccination pour les personnels navigants techniques et commerciaux du secteur aérien et les marins, notamment ceux qui sont amenés à faire des escales internationales», selon un communiqué publié par le ministère du Travail.

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