Contre le racisme, Macron veut «déconstruire notre histoire» mais en même temps «reconstruire notre unité»

Interviewé par CBS, Emmanuel Macron a invité à se pencher sur le passé colonial français et à «déconstruire notre histoire» pour vaincre le racisme. Une thèse proche de celles des mouvances décoloniales et indigénistes.
Sputnik

Alors que les États-Unis sont agités par une nouvelle vague de manifestations antiracistes depuis quelques semaines, Emmanuel Macron est revenu sur le sujet des discriminations en France, au micro de CBS.

Précisant que la situation française différait de la situation américaine, le Président a néanmoins souligné que la question de la race était «au cœur même de notre société» et créait «beaucoup de tensions». Pour lutter contre le racisme, le chef de l’État a développé un argumentaire en trois points, appelant notamment à examiner le passé colonial.

«Nous devons nous attaquer à ce sujet en faisant preuve, premièrement, de transparence et de jugement équitable […] Deuxièmement, par un dialogue calme et ouvert pour comprendre comment cela s'est passé et d'une certaine manière déconstruire notre propre histoire», a-t-il déclaré sur CBS.

Paradoxalement, le Président a aussi mis en garde contre un phénomène de «fragmentation» de la société française, où la Nation se verrait remplacer par la simple «addition de différentes races ou de différentes minorités». Pour conjurer ce risque, il a appelé à «reconstruire l'unité», à la fois en luttant contre les discriminations, mais aussi en reconnaissant «toutes les différences». 

Thèse décoloniale

Le concept de «déconstruction», hérité de la philosophie des années 60 et de la French Theory, a récemment été repris par les courants indigénistes et décoloniaux. Ces partisans invitent à déconstruire les fondements de la pensée rationnelle occidentale qui serait à la racine de plusieurs systèmes d’oppression, comme le colonialisme, ainsi que l’expliquait à Sputnik l’essayiste Sami Biasoni, en 2020.

«Nous serions les héritiers d’une longue pensée, d’un héritage de rationalité […] qui a abouti à une mutation des formes de colonisation, d’esclavagisme et à une domination symbolique. Pour que cet état cesse, il faudrait donc tout déconstruire, reprendre tout ce qui a nourri la situation actuelle», déclarait-il.

Un mode de pensée né sur les campus américains qui tente donc de se réapproprier l’histoire non sans quelques dérives. Dans le sillage de ces thèses déconstructivistes, une vague de déboulonnage de statues avait ainsi touché les États-Unis puis la France, l’été dernier.

En privé, Emmanuel Macron s’était d’ailleurs élevé contre ces destructions, accusant le monde universitaire d’avoir «encouragé l’ethnicisation» des débats, et affirmant qu’«effacer les traces ne traite[rait] pas le problème», selon Le Monde.

Le discours du chef de l’État semble néanmoins s’être infléchi sur la question de la mémoire et de l’histoire ces derniers mois. En décembre, le Président s’était ainsi montré favorable à ce que certaines rues soient rebaptisées en France, demandant à ce qu’un catalogue de 300 à 500 noms soient proposés par les historiens. Et ce, afin de mieux refléter «toute une part de notre histoire qui parle à notre jeunesse qui est noire, venant d’Afrique ou ultra-marine ou maghrébine».

Un comité conduit par l’historien Pascal Blanchard avait finalement rendu une liste de 318 noms.

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