Affaire des policiers brûlés à Viry-Châtillon: les forces de l’ordre encore lâchées par la machine judiciaire?

De «la colère et du dépit»… Accusés d’avoir tenté de tuer des policiers en les faisant brûler dans leurs voitures d’intervention, treize jeunes, dont trois mineurs au moment des faits, comparaissaient en appel. La clémence du verdict fait craindre au secrétaire général délégué du syndicat Unité SGP Police-FO un renforcement du sentiment d’impunité.
Sputnik

Deux jours après le verdict du procès des policiers brûlés en 2016 à Viry-Châtillon, l’indignation ne retombe pas au sein des forces de l’ordre. Deux équipages avaient été pris pour cible il y a cinq ans, des cocktails Molotov embrasant leurs véhicules. Les images avaient suscité un vif émoi dans l’opinion. Ce samedi 18 avril, la Cour d’assises des mineurs de Paris a condamné, en appel, cinq auteurs de ces violences à des peines allant de six à dix-huit ans de prison. Les huit autres prévenus ont été acquittés. Un choc pour les forces de l’ordre!

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Il s’agit en effet d’un verdict moins sévère que celui qui avait été rendu en première instance. À l’époque, huit des accusés avaient été reconnus coupables de «tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique». Un chef d’accusation passible de la réclusion à perpétuité. La décision est «incompréhensible sous certains aspects», pour Grégory Joron, secrétaire général délégué du syndicat Unité SGP Police-FO.

«On est sur une affaire emblématique, avec une atteinte à la vie sur des fonctionnaires de police par le pire des moyens qui puissent exister –par le feu–, en essayant de les faire brûler dans une voiture», s’indigne Grégory Joron au micro de Sputnik.

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Ainsi le syndicaliste craint-il de voir se renforcer le sentiment d’impunité parmi les délinquants. «Ça renvoie un signal global», résume-t-il, amer. Face à des peines «très légères par rapport à ce que [les auteurs] ont fait», notre interlocuteur peine à comprendre la logique des membres du jury.

Le doute bénéficiant par principe à l’accusé, deux «co-auteurs de l’attaque» ont étés condamnés à six et huit ans de prison. «Malheureusement quand on a l’impression d’avoir [des preuves très solides], ça ne suffit vraisemblablement pas», déplore Grégory Joron, mécontent de voir que les preuves assenées en première instance ont cette fois abouti à des condamnations moins nombreuses et allégées.

Les jurés ont eu des doutes sur la participation de certains accusés. Ont-ils été convaincus par les avocats des accusés? Lesquels avaient dénoncé une «enquête mal ficelée, peu de témoignages et de preuves scientifiques», n’hésitant pas à mettre «en cause l’enquête menée par la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de l’Essonne»? Des témoignages auraient été «inventés de toutes pièces» pour incriminer les accusés, d’après leurs avocats qui s’apprêtent à porter plainte «contre des pratiques policières inadmissibles».

Les mineurs entraînés dans la guerre des stups

Pour le policier, le verdict ne manquera pas d’avoir un effet délétère. Cette clémence encouragera les trafiquants de drogue à persister dans la voie qui consiste à «impliquer dans leurs actes des mineurs», pénalement moins exposés:

«Vu le contexte d’aujourd’hui, avec des violences urbaines quotidiennes, le message est particulier. La lutte acharnée et l’orientation politique gouvernementale sur le trafic des stupéfiants commencent à amener quelques tensions dans les quartiers», indique le policier.

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La publication récente des statistiques, avec 85 faits quotidiens de «violences à personnes dépositaires de l’autorité publique» confirment la dégradation de la sécurité sur le terrain. Et les dernières scènes de violence à Épinay-sur-Seine ont semé le trouble dans les rangs des forces de l’ordre.

Face à une telle situation, notre interlocuteur regrette le manque de soutien de la part de la justice:

«On peut déployer ce qu’on veut en termes de moyens policiers, intenter autant de procédures qu’on veut, arrêter autant qu’on veut. Mais si la justice ne suit pas ou traite les affaires –faute des moyens– en faisant des classements sans suite ou en prononçant des peines alternatives, on ne réglera jamais le problème», assure Grégory Joron.

Pour le dirigeant syndical, il faut que «la chaîne pénale se mette en route totalement, du début à la fin». Ainsi plaide-t-il pour de «vrais états généraux» de la police et de la justice, pour qu’«on pédale à la même vitesse»:

«Même si la justice est indépendante, les ministres et le garde des Sceaux pourraient organiser l’orientation des magistrats et du parquet à travers des circulaires. Même si on renforce le volet police, il y a un certain manque côté justice», conclut le policier.
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