Comment les universités formeront-elles des cadres pour l'économie numérique? Comment ce travail est-il mené aujourd'hui à l'Université nationale de science et de technologie MISIS (NUST MISIS)? La rectrice de cette dernière, Alevtina Tchernikova, a répondu à ces questions dans une interview accordée au correspondant du projet «Navigateur social» de l'agence de presse Rossiya Segodnya.
- Mme Tchernikova, quel rôle jouent les plus grandes universités du pays dans le travail pour la transformation numérique de l'enseignement?
- Le monde change rapidement, il y a dix ans on parlait encore du passage à l'économie du savoir, basée sur les technologies de l'information, comme d'une chose inévitable mais lointaine. Aujourd'hui, la transformation numérique concerne tous les secteurs d'activité de l'homme, c'est un processus mondial affectant les systèmes éducatifs de la plupart des pays.
Les meilleurs établissements scolaires du monde sont confrontés à la nécessité de rechercher constamment de nouvelles technologies éducatives et méthodes d'enseignement. La qualité des ressources intellectuelles passe au premier plan dans le cadre de l'économie numérique en formation.
Les plus grandes universités russes travaillent depuis plusieurs années à mettre en œuvre un modèle d'université numérique. En créant un espace éducatif commun, nous intégrons dans le processus traditionnel les différents instruments et services numériques: des systèmes d'analyse scolaire et de gestion, des plateformes en ligne, un accès aux FLOT (formations en ligne ouvertes à tous), etc.
Dmitri Tchernychenko, vice-premier ministre russe, a chargé les recteurs des plus grandes universités d'élaborer une approche globale de la transformation numérique qui devra être basée sur les meilleures pratiques élaborées par les universités. A terme, elles seront appliquées à tout l'enseignement supérieur russe.
En remplissant l'objectif de numérisation du processus éducatif, nous nous appuyons sur nos partenaires commerciaux, dont des leaders de l'industrie de l'information. En coopération étroite avec eux, nous avons créé, sur la base de la MISiS, l'Académie TIC Huawei, l'Académie de mégadonnées du groupe Mail.ru, et nous avons lancé des programmes éducatifs conjoints avec la Sberbank.
Ces projets communs, parmi d'autres, sont très prisés aussi bien par les étudiants que par les professionnels expérimentés, adultes, qui veulent obtenir de nouvelles compétences. Par exemple, l'âge moyen des étudiants du programme de master en ligne «Science des données», mené conjointement avec SkillFactory, est de 35 ans.
- Quels sont aujourd'hui les objectifs prioritaires de la communauté universitaire dans le cadre du projet «Cadres pour l'économie numérique»? Comment les réalisez-vous dans votre université?
- Aujourd'hui, nous constatons une demande importante de personnification de l'éducation, d'approche individuelle dans l'apprentissage. Nous pouvons y parvenir notamment en intégrant des technologies numériques dans le processus éducatif.
A l'université NUST MISIS, nous appliquons un modèle éducatif hybride où les étudiants reçoivent des connaissances aussi bien directement en salle de cours qu'à l'aide de cursus en ligne. A l'heure actuelle, la plateforme universitaire en format numérique permet d'accéder à plus de 85% du contenu éducatif mis au point par les enseignants de l'université.
Un autre axe important de la numérisation de l'éducation concerne le travail avec les mégadonnées. La trace numérique des étudiants se forme grâce à l'espace numérique commun créé à l'université qui permet, via l'Espace personnel de l'étudiant, de constituer, entre autres, un portfolio des acquis nécessaires pour trouver un emploi. Il est primordial pour les employeurs actuels de voir non seulement le niveau de préparation professionnelle des futurs employés, mais également la présence de résultats impressionnants dans l'activité scientifique, créative, de volontariat et autres.
Dernière chose. L'aptitude à l'autoformation et à l'éducation autonome ininterrompue est devenue aujourd'hui l'une des compétences les plus exigées pour les professionnels dans tous les domaines, et son rôle ne fera que s'amplifier. L'objectif de l'université consiste à créer les conditions nécessaires pour que les étudiants de l'université et le grand public reçoivent des compétences et des connaissances supplémentaires.
- L'université NUST MISIS a été parmi les premières, en Russie, à élaborer sa stratégie actuelle de développement et à entamer sa mise en œuvre. Quelles ont été les décisions clés, selon vous?
- La stratégie de développement est un programme clairement formulé et logique pour atteindre les grands objectifs de l'université, fixant le déroulé des actions et les ressources nécessaires pour leur réalisation. Chaque université et centre de recherche possède ses propres avantages concurrentiels, à partir desquels il faut créer les axes prioritaires.
Les principaux critères de réussite de la stratégie appliquée sont: l'appel aux talents dans le plus large sens du terme, la concentration des ressources sur les axes prioritaires, et la formation d'une forte équipe de gestion. En élaborant la stratégie, il est aussi important de s'appuyer sur la mission et le système de valeurs partagé par le collectif.
Un autre facteur important pour un développement réussi est l'interaction systémique avec les principaux partenaires académiques et commerciaux. Nous coopérons aujourd'hui avec plus de 1.600 compagnies dans la création de programmes éducatifs conjoints, en apportant à nos étudiants de larges possibilités pour effectuer des stages, pour participer à des événements de développement de carrière.
La réussite du diplômé est un objectif prioritaire de l'université. L'université MISiS prépare des spécialistes du futur, avec une réflexion créative et prêts à remplir des objectifs dans les conditions de l'économie du savoir en formation. Dans notre activité, nous nous référons au principe «l’étudiant avant tout», en créant un écomilieu de créativité contribuant au développement des capacités et des talents de chaque étudiant.
- La numérisation a-t-elle permis à votre université de surmonter les difficultés de la campagne d'admission de l'an dernier, qui s'est déroulée à distance?
- En 2012, l'université NUST MISIS a entamé l'élaboration et la mise en œuvre du modèle d'«université numérique», Digital MISIS, qui inclut l'intégration de nouvelles technologies éducatives, l'usage d'instruments numériques à des fins scientifiques et le développement de services numériques pour les candidats, les étudiants, les enseignants et les collaborateurs de l'université.
En 2015, notre université fut l'une des premières de Russie à numériser la campagne d'admission, et la première année déjà plus de la moitié (56%) des candidats avaient profité de cette possibilité de déposer leur dossier en ligne. L'an dernier, 97% des demandes ont été déposées via l'Espace personnel du candidat sur notre site et via le service Gosuslugi «Dépôt d'une demande d'admission à l'université», 3% ont utilisé les services de la Poste de Russie. Grâce à la création de cette infrastructure numérique, de facto la campagne d'admission de 2020 s'est déroulée pour nous en régime normal.
Chaque année, nous sommes choisis par des jeunes bien préparés, talentueux et ambitieux, l'université organise des dizaines de projets à travers le pays dans le cadre de notre programme d'orientation professionnelle. En conséquence, le niveau du concours d'admission ne cesse d'augmenter et aujourd'hui l'université fait partie des meilleures universités russes en ce qui concerne la qualité d'admission: le note moyenne à l'examen d’État unifié des candidats est passée de 67,3 en 2012 à 88,4 à l'issue de la campagne d'admission de 2020.
- Quels domaines de formation sont les plus populaires auprès des candidats?
- Nous constatons une hausse permanente pratiquement dans toutes les spécialités techniques - science des matériaux, géologie, métallurgie. Mais la hausse la plus active de la demande porte sur l'enseignement des technologies de l'information. Aujourd'hui, l'université NUST MISIS fait partie du top-5 des universités les plus demandées du pays pour la préparation de spécialistes de technologies de l'information. La note moyenne à l'examen d’État unifié dans certaines formations de l'Institut des technologies de l'information et des sciences informatiques est proche de 100. Parmi les spécialités populaires de ce secteur: l'informatique appliquée, les mathématiques appliquées et l'informatique.
- Comment réglez-vous le problème de la préparation des cadres pour l'université?
- L'université NUST MISIS travaille avec les plus grands partenaires académiques et commerciaux russes et étrangers, ils ont tous des choses à nous apprendre. Nos enseignants effectuent des stages dans des holdings d'envergure mondiale tels que Metalloinvest, OMK, Sberbank, avec lesquels nous travaillons de manière productive depuis plusieurs années à la création et l'adaptation de programmes éducatifs.
L'université participe officiellement aux projets de niveau MegaScience: deux expériences du CERN - LHCb et SHiP - où nos chercheurs et enseignants effectuent des stages actuellement. Les partenaires académiques, dans les projets éducatifs avec le CERN, sont des centres scientifiques et éducatifs connus tels que l'INFN, l'Université de Naples - Frédéric-II, l'Université de Zurich, l'Imperial College London et bien d'autres universités et compagnies.
Pour que nos enseignants puissent rapidement obtenir les connaissances et les compétences nécessaires, en 2019, à l'université NUST MISIS s'est ouverte l’École d'excellence pédagogique, l'un des éléments de l'écosystème numérique de l'université qui contribue à la popularisation de nouvelles technologies éducatives et à la diffusion des meilleures pratiques. En décembre 2020, conjointement avec l'University College London, nous avons lancé un projet unique de reconversion des enseignants visant à élaborer des programmes éducatifs compétitifs dans les domaines prioritaires pour l'université. A l'heure actuelle, plus de 700 enseignants ont suivi cette formation.
- Quelles sont les perspectives de la coopération interuniversitaire en matière de formation de cadres?
- Aucun objectif à l'échelle nationale ou mondiale ne peut être réglé grâce aux efforts des professionnels d'un seul secteur. La solution réside dans la métadisciplinarité, une combinaison globale des capacités de différents secteurs de la science. A cet égard, je trouve extrêmement important de contribuer à la création, au développement et au renforcement de liens horizontaux entre les universités et les centres de recherche. En agissant ainsi, nous créons de nouvelles possibilités pour nos étudiants.