Le projet de loi sur les «réparations» vise à créer une commission d'experts chargés de faire des propositions sur l'indemnisation des descendants des quelque quatre millions d'Africains réduits en esclavage aux Etats-Unis entre 1619 et 1865, date de l'abolition de l'esclavage.
La législation, dont une première version avait été rédigée il y a près de 30 ans, est longtemps restée dans les cartons mais est redevenue centrale depuis que plusieurs meurtres d'Afro-Américains ont poussé les Américains à se pencher sur l'histoire esclavagiste de leur pays et les multiples discriminations subies par la minorité noire, qui représente près de 13% de la population.
Le vote intervient alors qu'un policier blanc est jugé à Minneapolis, accusé d'avoir tué lors d'une interpellation un quadragénaire noir, George Floyd, devenu un symbole mondial des victimes de violences policières.
Ce vote «historique» est destiné à «poursuivre un débat national sur la façon de combattre les mauvais traitements subis par les Afro-Américains pendant l'esclavage, la ségrégation et le racisme structurel qui reste aujourd'hui endémique dans notre société», a affirmé dans un communiqué le président de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, Jerry Nadler.
«Les réparations sont finalement une question de respect et de réconciliation», a déclaré dans le communiqué la démocrate Sheila Jackson Lee, qui soutient le texte.
Il devrait passer l'obstacle de la commission judiciaire. La Chambre basse du Congrès, où les démocrates sont majoritaires, devra ensuite pour la première fois l'approuver en séance plénière, à une date indéterminée.
Mais le sort du texte est incertain au Sénat, où les démocrates devront obtenir les voix d'au moins dix républicains pour qu'il soit finalement adopté.
En 2019, Mitch McConnell, alors chef de la majorité républicaine au Sénat, s'était dit contre l'idée.
«Je ne pense pas que des réparations pour une chose qui est arrivée il y a 150 ans, et dont les personnes aujourd'hui vivantes ne sont pas responsables, soit une bonne idée», avait-il expliqué.
«L'injustice, la cruauté, la brutalité et l'inhumanité de l'esclavage»
En 2019, le revenu médian annuel d'un foyer noir était de 43.771 dollars, contre 71.664 dollars pour un foyer blanc, selon des statistiques officielles.
Malgré les avancées de la lutte pour leurs droits civiques dans les années 1960, les Afro-Américains sont toujours moins diplômés, ont une couverture sociale moins bonne et vivent moins longtemps que les Blancs. Ils sont aussi incarcérés de manière disproportionnée par rapport au reste de la population américaine.
Le projet de loi s'attaque à «l'injustice, la cruauté, la brutalité et l'inhumanité fondamentale de l'esclavage aux Etats-Unis et dans les 13 colonies américaines entre 1619 et 1865».
Il charge un groupe de 13 experts «d'étudier et d'envisager des excuses nationales et des propositions de compensations pour l'institution de l'esclavage et (les) discriminations raciales et économiques contre les Afro-Américains».
Ces experts doivent faire des recommandations sur la façon de calculer une compensation aux descendants d'esclaves africains, la forme que doit prendre cette compensation et qui seront les personnes éligibles. Une partie de ces membres seront issus d'organisations favorables aux réparations.
La question des compensations avait été évoquée par plusieurs candidats à la primaire démocrate de 2020 dans le débat plus large sur les inégalités raciales et les différences de revenus.
Avant une décision au niveau fédéral, la question des réparations a déjà été abordée au niveau local.
La petite ville d'Evanston, près de Chicago, est devenue en mars la première à décider d'indemniser ses habitants noirs à hauteur de 10 millions de dollars sur les 10 prochaines années.
Les habitants correspondant aux critères recevront 25.000 dollars chacun pour financer leur crédit immobilier ou la rénovation de leurs logements.
En 2019, les étudiants de la prestigieuse université de Georgetown, à Washington, avaient approuvé la création d'un fonds au profit des descendants d'esclaves vendus au XIXe siècle par les jésuites ayant créé l'établissement. Ce référendum n'avait toutefois pas de valeur réglementaire pour l'université fondée en 1789.