Une «mascarade»: une réalisatrice accuse Arte de censurer son film sur le nucléaire

La volonté de l’Allemagne de dire «adieu» au nucléaire l’empêche-t-elle de juger impartialement le sujet? Selon la réalisatrice du docufiction «An zéro», la rédaction allemande d’Arte a monté le film de telle façon qu’il contredit désormais l’idée de ses auteurs.
Sputnik

Le docufiction «An Zéro» qui met en scène un possible accident majeur à la centrale nucléaire française de Cattenom, et ses conséquences pour le Grand-Duché du Luxembourg et l’Allemagne, doit être diffusé le 21 avril sur Arte. Mais voilà, sa réalisatrice Myriam Tonelotto, qui l’a tourné pendant deux ans, refuse que son nom paraisse à l’écran et dénonce dans une interview au Point une «mascarade», fruit du montage fait par la rédaction allemande d’Arte.

Le Point, qui a pu visionner les passages «censurés» par la chaîne, constate «un cas d'école de manipulation» et écrit que la version finale du film ne correspond point à l’objectif de la réalisatrice qui ne voulait pas faire un film anti- ou pronucléaire, mais «propopulations touchées par un accident».

Le film «censuré»

La version finale, que les téléspectateurs pourront apprécier, laisse comprendre que la population du Grand-Duché et les Allemands vivant à proximité n’auraient d’autre choix que de fuir pour toujours le territoire entièrement contaminé suite à l’accident. Ainsi, la France apparaît comme un pays faisant courir un risque majeur à ces voisins qui ont choisi de sortir du nucléaire.

Or, l’objet initial du film était de montrer que l’évacuation peut être plus dangereuse que la radiation. Ses auteurs évoquent entre autres les dernières données du Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) qui témoignent que l'accident nucléaire de Fukushima n'a causé aucun mort par radiation et aucun cancer alors que l’évacuation a fait 50 morts parmi les patients extirpés des hôpitaux, sans compter les 2.300 personnes mortes prématurément à cause des déplacements forcés.

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Cependant, écrit le Point, Arte a écarté les témoignages des experts qui exposaient ces faits, tout comme ceux des spécialistes qui pointent le niveau actuel de radiation assez faible dans la zone d'exclusion de Tchernobyl ou encore dans celle près de Fukushima.

Si la version finale d’Arte suggère que les populations vivent toujours à Tchernobyl et à Fukushima sur des terres terriblement contaminées, des spécialistes, dont les interviews ont été coupées, affirment le contraire. Ils dénoncent notamment les «peurs irrationnelles» qui ne permettent pas aux populations de reprendre une vie normale dans des régions «maudites» comme Tchernobyl.

Le Point évoque ainsi la prise de position «antinucléaire» de la direction allemande de la production d'Arte qui a demandé cinq réécritures à l'équipe avant d'admettre un désaccord idéologique et de monter elle-même le documentaire. De son côté, la direction d'Arte France renvoie Le Point à la direction allemande de la chaîne qui a décliné tout commentaire.

Si le contrat liant la réalisatrice à la chaîne ne lui permet pas d’empêcher la diffusion du documentaire, l’intéressée a confirmé au Lëtzebuerger Journal son intention de publier sa version du film gratuitement sur YouTube.

L’Allemagne sort du nucléaire

L’Allemagne reste déterminée à mettre en œuvre sa décision historique de sortir du nucléaire, prise par Angela Merkel le 30 mai 2011 après la catastrophe de Fukushima. Vers la fin 2022, le pays prévoit de mettre hors service ses derniers réacteurs. La centrale de Gundremmingen et les deux autres installations situées au nord de l'Allemagne doivent être débranchées le 31 décembre 2021.

Dans le même temps, sept pays européens, dont la France, ont défendu le 19 mars le rôle de l’énergie nucléaire en Europe dans une lettre adressée à la Commission européenne. C’est «un appel d’urgence pour assurer des règles du jeu équitables pour l’énergie nucléaire dans l’Union européenne, sans l’exclure des politiques et des avantages climatiques et énergétiques», indique le texte en anglais cité par l’AFP.

Les signataires soulignent en outre «l’indispensable contribution [du nucléaire, ndlr] pour combattre le changement climatique» et y voient un moyen de soutenir l’essor des énergies renouvelables et de l’hydrogène, sans oublier les emplois créés.

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