Vacciner les enfants: la France est-elle prête à sauter le pas?

À l’heure où les personnes âgées de 55 ans sont autorisées à se faire vacciner ce lundi 12 avril, l’extension de la vaccination aux mineurs fait son chemin. Et ce au plus haut niveau de l’État. Tirée d’une modélisation de l’Institut Pasteur, cette recommandation a pourtant des chances de rester lettre morte en France.
Sputnik
«Même s’il y a peu de risques, tant qu’il y n’y a pas eu d’essais suffisants, la France n’est pas encore mûre pour recommander la vaccination des enfants», estime Jean-Stéphane Dhersin, modélisateur à l’Institut national des sciences mathématiques, au micro de Sputnik.

Au moment où la vaccination contre le Covid-19 s’ouvre ce lundi 12 avril aux personnes âgées de 55 ans et plus, les appels à vacciner les mineurs se multiplient. «C’est un scénario qui est sur la table», déclarait ce dimanche 11 avril Agnès Pannier-Runacher, ministre délégué à l’Industrie, au micro d’Europe 1. Le même jour dans Libération, le président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, Alain Fischer, jugeait «logique de vacciner les enfants» pour créer une immunité collective.

Des jeunes robustes, mais contaminants

Le «Monsieur Vaccin» du gouvernement se référait dans les colonnes du journal aux modélisations de l’Institut Pasteur de la semaine précédente.

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Si l’idée fait son chemin au sein du gouvernement, elle devrait néanmoins se heurter à la méfiance toujours prégnante au sein de la population à l’idée de se faire vacciner. Une défiance d’autant plus marquée par les polémiques récentes entourant le vaccin AstraZeneca, notamment la marche arrière du labo sur ses essais menés sur les mineurs.

De même, les recommandations défendues par le Conseil scientifique et appuyées sur les modélisations de l’Institut Pasteur ont plus d’une fois été contestées. Dans son calendrier de vaccination, le gouvernement ne prévoit pas la vaccination des mineurs, pour l’instant.

Pourquoi donc vacciner les plus jeunes, alors qu’ils sont reconnus comme les moins à risques? Parce que «si les jeunes font très peu de formes graves de la maladie, en revanche, ils participent à la diffusion de l’épidémie», détaille Jean-Stéphane Dhersin. Notamment en contaminant dans le foyer les plus fragiles, comme les parents et grands-parents.

«Donc la vaccination des mineurs est un moyen pour atteindre une couverture vaccinale maximale qui soit suffisante pour engendrer une immunité collective ou bien permettre un relâchement conséquent des mesures sanitaires», prône le directeur adjoint scientifique de l'Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions du CNRS.

Ce mercredi 7 avril, l’Institut Pasteur, qui murmure à l’oreille du Président, envisageait cette hypothèse dans ses dernières modélisations. Pour l’organisme, le retour à la vie d’avant pourrait bien avoir lieu avec une vaccination de 90% des adultes en France ou, dans le cas contraire, par une vaccination supplémentaire, en plus des personnes âgées, «de 60 % à 69 % chez les 0-64 ans».

Des limites, encore des limites

Plusieurs variables risquent d’entamer les résultats de ces prévisions mathématiques. À l’exemple de l’acheminement nécessaire en doses de vaccins ou plus encore l’opposition des Français à la vaccination. Un récent sondage Harris Interactive pour LCI révélait que 66% des Français étaient désormais prêts à se faire vacciner. Or les 34% d’irréductibles Gaulois rétifs à la piqûre suffiraient à perturber les projections. Pour Jean-Stéphane Dhersin, «le problème de l’acceptabilité» des Français s’explique par une surenchère à laquelle se livrent les médias lors des rares cas d’accidents.

«Il y a tout un tas de vaccinations obligatoires dans notre pays qui ne posent pas problème aux Français, explique-t-il. Or dès qu’il y a un cas de décès potentiellement lié à une vaccination anti-Covid, les médias s’emballent et il y a un effet de surinterprétation du risque.»

Le spécialiste en modélisation appelle à jeter un regard large qui permette de juger le rapport bénéfices/risques plus sereinement. Une logique qui a sa légitimité lorsqu’elle concerne les personnes âgées. Qu’en est-il pour les mineurs? Au mois de février 2021, l’université d’Oxford entamait une série de tests du vaccin AstraZeneca sur les moins de 18 ans.

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Avant d’annoncer ce mardi 6 avril avoir mis en attente ces essais eu égard aux «rares problèmes de caillots sanguins qui ont touché des adultes qui ont reçu l’injection», rapportaitReuters. Les labos Pfizer, Moderna et Johnson & Johnson poursuivent, de leur côté, leurs tests entamés sur les plus jeunes.

Confiant, Jean-Stéphane Dhersin appelle à attendre les résultats des études actuellement menées. Selon lui, elles devraient révéler «un risque quasiment nul». Et le scientifique d’appeler à juger ces dangers «en considération de ceux qu’un enfant non vacciné peut faire encourir à son cercle proche». De même, notre interlocuteur, toujours soucieux d’une réflexion plus globale, rappelle que, «au niveau sociétal, les enfants non vaccinés contraignent à des mesures très fortes, comme la fermetures des écoles, dont l’impact est difficilement quantifiable».

Des modélisations en prise avec le Réel?

Depuis le début de la crise, les modélisateurs de l’Institut ont été critiqués sur le manque d’exactitude de leurs projections. Jusqu’au Président de la République qui, au mois de février dernier, dénonçait les prévisions de l’Institut Pasteur et «l’explosion des cas annoncée pour février, qui n'a finalement pas eu lieu». Peut-on alors se fier à leurs hypothèses sur les vaccinations des plus jeunes?

​Une accusation que critique le président de l’Institut national des sciences mathématiques. Pour Jean-Stéphane Dhersin, les modélisateurs ne font que proposer des hypothèses auxquelles sont adossées des projections et des scénarios. Elles sont ensuite soumises à la bonne décision du politique et son choix partisan. En l’occurrence, les scientifiques ne recommanderaient pas «de vacciner ou ne de pas vacciner les enfants».

Pour le scientifique, si les paramètres des modèles mathématiques utilisés par les membres de l’Institut Pasteur «sont plutôt bien calibrés», l’inconnu ce sont les données que vous y insérez. Or celles-ci dépendent, par exemple, du comportement imprévisible des individus.

«Les modélisateurs n’ont pas de boules de cristal et ils ne prétendent pas en avoir. Même si ça n’a pas toujours été le cas sur les plateaux de télévision, je vous l’accorde…», reconnaît-t-il.
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