«Microsociété» vivant «en vase clos»: un chercheur pointe la fracture sociale derrière les dîners clandestins

Les dîners clandestins illustrent un modèle de société parallèle où quelques privilégiés vivent entre eux au détriment des restrictions sanitaires, explique un chercheur à Franceinfo. Un phénomène dérangeant alors que beaucoup de Français se serrent la ceinture.
Sputnik

Au-delà du scandale pouvant éclabousser certaines personnalités politiques, les dîners clandestins sont aussi le symbole d’une fracture sociale, estime le chercheur Bruno Cautrès du CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po) sur Franceinfo.

Alors que l’ancien ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux et l’éditorialiste Alain Duhamel ont admis avoir participé à un «déjeuner professionnel» dans un restaurant clandestin, le chercheur s’interroge sur l’image renvoyée par ces inconduites. Il dénonce notamment la mise en place d’«une sorte de micro société, complètement coupée, déconnectée» des réalités.

Le politiste voit dans ces dîners l’opposition de deux mondes: l’un vivant «en vase clos, loin de la vie de tous les jours des Français», l’autre soumis aux exigences sanitaires et frappé par les conséquences économiques de la pandémie.

«Il y a cet aspect de dire “vous, vous allez vous serrer la ceinture, vous ne pouvez pas aller au bar, restaurant, au cinéma ou dans les musées”, face à une sorte de microsociété qui elle pourrait continuer à profiter de la vie», explique-t-il.

S’il ne parle pas directement d’un décalage entre le peuple et ses élites, le chercheur pointe «un effet d’écart» entre le quotidien des Français et «ces images de personnalités qui continuent à mieux profiter de la vie». Une analyse qui diffère de celle de Jean-Pierre Raffarin qui avait affirmé sur CNews que ces comportements n’étaient pas caractéristiques d’une élite, mais relevaient la délinquance.

Repas luxueux?

Bruno Cautrès insiste sur l’aspect pécuniaire de la question, assurant que ces dîners clandestins proposent des «repas plutôt luxueux, à des prix que personne ne peut s'offrir». Un récent reportage de M6 avait dressé le même constat, montrant un restaurant huppé proposer en catimini des menus allant jusqu’à 490 euros. Une autre soirée clandestine au palais Vivienne était facturée 220 euros, caviar et champagne compris. 

Pierre-Jean Chalençon, soupçonné d’être l’instigateur de plusieurs de ces soirées, avait pour sa part réfuté de tels montants.

Sur Europe 1, le photographe Jean-François Desjacques avait quant à lui parlé de «course à l’oseille» à propos des repas clandestins organisés par le chef Christophe Leroy, plus tard placé en garde à vue. Selon ce témoin, le cuisinier en était arrivé à «tripler ses tarifs» avec l’arrivée de la pandémie.

Plusieurs personnalités politiques ont vu leurs noms mêlés à ces dîners clandestins, notamment Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement. Pierre-Jean Chalençon avait en effet déclaré à M6 qu’il devait «venir dîner prochainement» au palais Vivienne. Franck Riester, ministre délégué en charge du Commerce extérieur, a également dû se justifier et a nié sur Twitter sa participation à de tels événements.

Ce n’est pas la première fois qu’au pays de la gastronomie des scandales politiques éclatent autour de bonnes tables. En juillet 2019, François de Rugy, alors président de l’Assemblée nationale, avait dû démissionner après avoir organisé de luxueux dîners aux frais de l’hémicycle.

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