À l’heure où la France ouvre ces premiers vaccinodromes et où l’UE statue sur des cas de vaccination obligatoire, le vaccin semble être devenu la solution privilégiée pour lutter contre le Covid-19. Dans un entretien à L’Express, l’épidémiologiste Antoine Flahault appelle cependant à ne pas tabler uniquement sur cette stratégie.
S’il se réjouit du déploiement des vaccins, qui vont «probablement changer la donne», le directeur de l'Institut de santé globale souligne que la pandémie recèle d’encore «beaucoup d’inconnues». Il met en garde contre de potentiels variants résistants aux vaccins. Mais aussi contre de possibles difficultés de production, à l’heure où la France vient de mettre en flacons ses premières doses de Pfizer-BioNTech, dans l’Eure-et-Loir.
«Si le vaccin se mettait à ne plus couvrir certains variants, si on le considérerait comme plus dangereux qu'efficace et qu'on n'en voulait plus, si la production ne parvenait finalement pas à tenir assez vite ses promesses […]. Tout cela fragilise une stratégie uniquement vaccinale», explique ainsi Antoine Flahault à L’Express.
La question de l’innocuité des vaccins et de leur perception dans l’opinion s’est d’ailleurs posée avec l’AstraZeneca. Le scénario d’un désamour soudain s’est même vérifié, la préparation du laboratoire suédo-britannique souffrant aujourd’hui d’une certaine défiance auprès des Français, au point de changer de nom.
Stratégie du «vivre avec» ou du «zéro Covid»?
Au-delà de la vaccination, Antoine Flahault critique le choix des pays européens qui se sont résignés à «vivre avec» le virus. Un choix rendu possible par ce «dernier recours» que constitue le confinement, lequel permet d’alléger la pression sur le système hospitalier et de «"vivre avec" un peu plus longtemps».
Une stratégie qui nuit à la vie en société mais favorise aussi la fuite en avant vers les vaccins, selon l’épidémiologiste.
«Dans tous les pays qui ont fait ce choix, on voit que l'on vit avec le virus, mais de plus en plus mal, entre couvre-feux et arrêt de toute interaction sociale. Et surtout la vaccination devient une stratégie de sauve-qui-peut», explique-t-il ainsi à L’Express.
Le médecin oppose à cette démarche celle du «zéro Covid», promue par certains pays d’Asie et d’Océanie. Plutôt que d’atténuer, il s’agit d’éradiquer le virus, en réduisant totalement sa circulation. Une méthode qui peut passer par des restrictions sanitaires strictes, la maîtrise des foyers d’infections ou l’emploi du triptyque «tester, tracer, isoler».
Cette approche est notamment plébiscitée par une récente étude de l’Institut économique Molinari, pour qui «la stratégie "zéro Covid" protège mieux populations et économies».
Les pays «zéro Covid» ont également un autre rapport à la vaccination, y voyant «une stratégie d’accompagnement» plutôt qu’une «urgence absolue», précise encore Antoine Flahault.
La méthode est cependant critiquée par certains. Interrogée par Sputnik en février, la généticienne Alexandra Henrion-Caude y voyait ainsi une manière de «reculer pour mieux sauter», s’inquiétant d’une reprise de l’épidémie dans ces pays, une fois les frontières rouvertes.