C’est une décision qui devrait faire date. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est prononcée pour la première fois depuis sa création en 1959 sur le principe de la vaccination obligatoire contre des maladies infantiles. La Grande Chambre de la juridiction européenne a ainsi indiqué, dans un arrêt du jeudi 8 avril, que la législation tchèque, qui prévoit l’obligation de vacciner les enfants contre neuf maladies (diphtérie, tétanos, poliomyélite, rougeole, hépatite B...), respectait la vie privée et familiale et l’art. 8 de la CEDH qui la protège.
Une décision que Grégor Puppinck, directeur du centre européen pour le droit et la justice (European Centre for Law & Justice, ECLJ), juge toutefois décevante. Et ce, à plus d’un titre:
«La Cour aurait pu prendre une décision beaucoup plus mesurée et circonstanciée. Elle n’a pas répondu à l’argument principal, qui avait notamment été développé par l’ECLJ, à savoir que rien ne prouve que l’obligation vaccinale soit nécessaire pour parvenir à un taux de couverture vaccinale satisfaisant.»
En effet, comme le précise le directeur de l’ECJL, dans de nombreux pays européens où les vaccins infantiles sont simplement recommandés, ceux-ci présentent néanmoins un bon taux de couverture, équivalent à celui qui existe en France. Ainsi, selon des chiffres de l’OCDE, en 2018, 97% des enfants suédois étaient vaccinés contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, et la rougeole. En Finlande et aux Pays-Bas, les taux s’élevaient respectivement à 91% et 93,5% contre 96,3 pour la France. Alors comment expliquer cet arrêt de la CEDH? «La question des vaccins est très sensible», résume Grégor Puppinck. D’autant plus en période de crise sanitaire!
«Sur le plan purement politicien, je n’imagine pas que la Cour aurait vraiment pu faire autrement que de s’aligner sur les préoccupations des États aujourd’hui», analyse notre interlocuteur.
Un contexte politique que semble avoir donc pris en compte la CEDH. En témoignent les nuances apportées à son arrêt. Elle a souligné notamment que «les questions de santé publique relèvent de la marge d’appréciation des autorités nationales» et que «cette marge doit être ample» concernant le caractère obligatoire de la vaccination des enfants.
«Finalement, c’est un peu un jugement à la Ponce Pilate: elle s’en lave les mains. Néanmoins, cela est problématique puisque la Cour ne définit pas la limite du pouvoir des États sur le corps des personnes», estime l’essayiste.
«Ce n’est donc pas satisfaisant. Cette décision ne protège pas les citoyens d’éventuels abus de pouvoir de l’État», prévient le directeur de l’ECJL.
Or Grégor Puppinck tient à rappeler que «la vaccination est une atteinte grave au principe du respect de l’intégrité physique des personnes, qui est un principe fondamental.»