Dérives sectaires: quand gourous et autres charlatans surfent sur le Covid-19

Alors que l’épidémie de coronavirus sidère une partie de la population, de «nouveaux gourous» ont fait leur apparition et profitent de cette crise afin de diffuser leurs «solutions». Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté, a annoncé mardi 6 avril le renforcement de la MIVILUDES. Objectif: lutter contre les dérives sectaires.
Sputnik

Le Covid-19, une aubaine pour les charlatans? «Plus de 500 nouveaux petits groupes sectaires ont proliféré à la faveur du confinement», a avancé Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté, dans une interview donnée à France Info. Les dérives sectaires auraient «considérablement» augmenté, a-t-elle estimé. Dans ces groupes se trouvent 140.000 personnes, dont 90.000 enfants et adolescents. Pratique d’exorcisme, stage de survivalisme extrême, déviances dans le domaine de la santé, autant de pratiques qui sont dans le viseur du ministère de l’Intérieur.

«Vous avez de nouveaux gourous qui se servent de la pandémie pour prêcher des mesures soi-disant de bien-être, mais qui sont des mesures de sujétion psychologique, voire de captation d’argent ou de biens», a fustigé la ministre déléguée à la Citoyenneté.

​La dérive sectaire repose d’ailleurs sur «trois piliers», à savoir: une idéologie, un gourou et un phénomène d’emprise. Pour souligner cette dérive, dans L’Obs, Marlène Schiappa prenait l’exemple du naturopathe Thierry Casasnovas qu’elle qualifie de «théoricien du crudivorisme qui diffuse des thèses complotistes».

Les réseaux sociaux, terreaux fertiles pour les dérives sectaires

La secte de la mère de Xavier Dupont de Ligonnès dans le collimateur de Schiappa
D’ailleurs depuis 2011, ce dernier a fait l’objet de «plus de 600 saisines [qui] ont été enregistrées à son encontre, dont 70 en 2020», selon le ministère de l’Intérieur. D’autres comme le médecin suisse Christian Tal Schaller, adepte de la thérapie par l’urine, ou encore Jean-Jacques Crève-cœur, formateur en développement personnel, sont sous le feu des projecteurs, notamment pour leurs prises de position conspirationnistes et antivax.

Didier Pachoud, président de GEMPPI, constate de son côté une recrudescence de ce type de phénomènes. Son association lutte contre les sectes et les dérives sectaires.

«Actuellement, il y a des dizaines de milliers d’opérateurs potentiellement sectaires», estime-t-il, alors que, lorsqu’il a démarré son activité il y a plus de trente ans, «on avait 200 dossiers pour la France.» Par ailleurs, il indique avoir observé durant cette crise sanitaire un «basculement important vers les dérives thérapeutiques, holistiques.»

«Dans nos statistiques de 2020, sur 1.200 demandes d’aides et d’informations, la part des questionnements sur le sectarisme religieux, qui les années précédentes étaient à peu près de 50%, est passés à 30%. En revanche, la part de sectarisme du type panthéiste, énergétique, New Age, thérapeutique holistique est passé à 70%», détaille le président de GEMPPI.

De son côté la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a reçu 3.000 signalements en 2020, «dont 700 ont été évalués comme sérieux.»

3.000 signalements en 2020

Près de 40% concernaient des questions de santé ou de bien-être et 25% des mouvements religieux. Des proportions qui inquiètent Didier Pachoud. D’autant plus que les réseaux sociaux pourraient aggraver la situation et rendre le «phénomène moins préhensible», s’alarme-t-il.

«Avec le Covid, les gens se sont formés à l’outil Internet, en particulier aux visioconférences, sont allés plus souvent chercher de l’information sur YouTube, etc. Beaucoup se sont improvisés gourous ou “sachants” dans le domaine de la santé, cela démultiplie le nombre de micro-intervenants.»

Le virus du faux: comment étudier la désinformation à l’heure du coronavirus
En outre, cette augmentation du nombre de charlatans durant cette crise sanitaire n’étonne guère le président du GEMPPI. Et pour cause, comme il l’explique les «croyances extrêmes, par exemple, germent sur la misère, l’angoisse et l’inquiétude des êtres humains, ou sur les situations que l’on ne peut pas maîtriser.» Un désarroi qui fait que «l’on peut se porter sur des solutions irrationnelles, puisque le rationnel semble ne pas apporter les réponses souhaitées», avance Didier Pachoud.

Pour tenter d’endiguer le phénomène, le président du GEMPPI souligne qu’il était important notamment de faire de la «prévention de masse», ou encore «se former à la gestion des risques sectaires». Le gouvernement a indiqué que le budget de la MIVILUDES sera multiplié par dix, soit un million d’euros au total, afin de «mieux financer les initiatives locales et associatives sur le terrain».

Discuter