«Arabe de service»: pour Linda Kebbab, son procès contre Taha Bouhafs va ouvrir un «débat de société»

Ce mercredi 7 avril devait se tenir le procès pour injure publique qui oppose le journaliste Taha Bouhafs à Linda Kebbab, fonctionnaire de police et syndicaliste qu’il avait qualifiée d’«Arabe de service» sur Twitter en juin 2020. En raison d’un vice de procédure, le procès a été repoussé. Une déception pour la policière. Sputnik était sur place.
Sputnik
«J’attendais beaucoup de cette journée. J’espérais qu’il soit un petit peu courageux. […] Je déplore sa lâcheté et je pense qu’il craint surtout de voir mis à jour finalement ses manipulations et son fonds de commerce qui est tout sauf antiraciste et qui a plutôt vocation à nous diviser.»

À la sortie de la salle d’audience du Tribunal judiciaire de Paris, Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat SGP Police-FO, ne pouvait cacher son agacement. En effet, le procès qui l’oppose au journaliste Taha Bouhafs n’a finalement pas eu lieu ce mercredi 7 avril. En cause, «une erreur du parquet sur les délais de citation», explique l’avocat de Linda Kebbab, maître Thibault de Montbrial.

«Monsieur Bouhaf n’a pas été régulièrement cité, donc le tribunal a été obligé de constater que la citation n’était pas valable. Le parquet a dit qu’il allait citer de nouveau monsieur Bouhafs le 9 juin prochain», a-t-il expliqué.

​L’avocat a néanmoins déploré l’absence du journaliste puisqu’il indique «que son avocat connaissait la date [du procès]» et «que, en droit de la presse, le prévenu peut paraître volontairement». De ce fait, «il peut renoncer à la nullité qui résulte d’une erreur sur la durée de citation», précise le défenseur de la syndicaliste.

De son côté, l’avocat de Taha Bouhafs, maître Arié Alimi, a affirmé sur Twitter: «La procédure d'injure publique à caractère racial contre Taha Bouhafs avec Linda Kebbab et la LICRA comme partie civile est annulée par le tribunal.» Ce à quoi maître de Montbrial a répondu «c’est la citation du parquet [qui] a été annulée, mais pas la procédure», avant que maître Alimi ne rétorque: «Monsieur Bouhafs n’est plus poursuivi et encore moins le 9 juin.»

Ce dernier joue toutefois sur les mots… ou plutôt avec le Code de procédure pénale. Formellement, Taha Bouhafs n’est en effet plus poursuivi… jusqu’à ce qu’il reçoive une nouvelle citation de la part du tribunal.

​Au-delà de ces bisbilles procédurales, Linda Kebbab souligne l’importance d’expliquer la gravité des propos de Taha Bouhafs, qui l’avait qualifiée d’«ADS: Arabe de service» dans un tweet publié le 3 juin 2020.

​Pour la syndicaliste, ce procès va ouvrir un «débat de société».

«Il permettra peut-être à des milliers de jeunes qui ont un dossier de candidature pour entrer dans la police ou dans des fonctions régaliennes de savoir si oui ou non ils en ont le droit, ou bien si nous sommes encore sous un régime d’indigénat que lui veut faire croire», a-t-elle plaidé.

«Nous sommes Français autant que les autres et ce n’est pas renier son origine, son patrimoine familial ou sa culture que d’embrasser un uniforme, que nous aimons vraiment, sur un territoire sur lequel nous sommes nés et où nous grandissons», a rappelé la policière.

Cette affaire s’accompagne d’une autre, celle du policier noir traité de «vendu» par la youtubeuse Nadjélika lors d’une manifestation du comité Vérité pour Adama. Un procès aussi reporté à décembre 2022 par la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris à cause d’une question prioritaire de constitutionnalité. La jeune activiste est, quant à elle, poursuivie pour «outrage aggravé envers personne dépositaire de l'autorité publique», une infraction passible de deux ans d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. Les tensions semblent ainsi s’accumuler autour de la mouvance dite «antiraciste».

Et Thibault de Montbrial d’enfoncer le clou: «Taha Bouhafs se présente comme un militant antiraciste, mais, en renvoyant une fonctionnaire police […] à ses origines, il porte un message selon lequel les gens qui seraient d’origine étrangère à plusieurs générations n’auraient pas le droit d’exercer des métiers régaliens, ne seraient pas des Français à part entière.»

«Vous vous rendez compte de la violence de ce message? Il est aujourd’hui porteur objectivement d’un message qui fracture la société française», juge l’avocat.

Des accusations contre lesquelles devra se défendre Taha Bouhafs, poursuivi pour «délit d'injure publique contre une personne […] à raison de son origine». Lors de l’annonce du dépôt de plainte de Linda Kebbab, ce dernier avait indiqué sur Twitter, qu’il serait «ravi de pouvoir expliquer en détail devant un tribunal, les raisons qui [l]’amènent à dire que cette femme est une ar*be de service». Ponctuant son message d’un «vive la liberté d’expression».

Discuter