«En situation de crise, les personnes les plus médaillées ne sont pas forcément les meilleures pour prendre les bonnes décisions», analyse Idriss Aberkane à notre micro. Pour ce spécialiste de la science des connaissances et auteur à succès, le troisième confinement national démarré ce samedi 3 avril n’a aucun sens. Invité à sévir par les membres du Conseil scientifique en janvier 2021, le Président de la République avait alors écarté cette option. Emmanuel Macron s’était dit agacé par ces experts et leurs prévisions alarmistes. Sept semaines après, devant la saturation des services de réanimations, le Président a fait le choix de confiner l’ensemble du pays une nouvelle fois.
Une mesure qui serait la marque, selon Idriss Aberkane, du poids «des scientifiques proches du pouvoir», «ces autorités de cour» toujours promptes, face à l’inconnu, à prodiguer de mauvais conseils. À l’inverse d’experts moins flagorneurs et plus qualifiés… comme le Pr Didier Raoult.
«La confiance dans la science»
Dès le début de la crise sanitaire, le Président de la République s’est réfugié derrière l’expertise des scientifiques. Lors de sa toute première allocution du 12 mars 2020 sur la crise sanitaire, Emmanuel Macron appelait à «écouter celles et ceux qui savent».
«Un principe nous guide pour définir nos actions, clamait solennellement le Président de la République. Il nous guide depuis le début pour anticiper cette crise puis pour la gérer depuis plusieurs semaines et il doit continuer de le faire: c'est la confiance dans la science.»
Depuis, les mesures les plus restrictives ont été prônées par les membres du Conseil scientifique. Notamment par sa figure de proue, le président Jean-François Delfraissy.
Ces restrictions sont inutiles et liberticides à en croire Idriss Aberkane. Elles témoignent surtout de l’incapacité de ceux qui les formulent à appréhender l’inattendu.
«En 40, Gamelin était un super général, il fait n’importe quoi. Joffre en 14, était une brêle absolue, c’était une torche à roulettes et ça ne l’empêche pas d’être nommé généralissime, ironise Idriss Aberkane. Les scientifiques et les savants proches du pouvoir en situation de crise sont, et l’histoire le démontre systématiquement, les pires pour prendre une décision.»
Pour appuyer son propos, l’essayiste appelle à comparer la situation de la France à celle des autres pays qui n’ont pas confiné, à l’exemple du Japon et de la Corée du Sud.
De même qu’il rappelle l’étude de Stanford du Pr John Ionannidis, citée par Didier Raoult, qui avait conclu à l’inutilité du confinement. Une étude néanmoins critiquée par plusieurs épidémiologistes, notamment dans les colonnes du journal Libération et sa rubrique Fact checking.
De quoi amuser Idriss Aberkane, qui précise que «le chercheur de classe internationale» John Ionannidis est «un spécialiste justement des biais méthodologiques», «et c’est lui qui les a le plus détecté dans les études médicales à comité de lecture».
«Vous avez cité “Libération”, mais vous auriez dû citer, pour être tout à fait exact, “Super Picsou Géant” ou “Pif Magazine”», ironise-t-il pour égratigner «la légitimité de Libération à critiquer un article scientifique».
Expert, vous avez dits experts?
Pour l’auteur de L'Âge de la connaissance: traité d'écologie positive (éd. Robert Laffont), le cas Ionannidis illustre la marginalisation par des «savants proches du pouvoir» de scientifiques qualifiés. Et Idriss Aberkane de rappeler le départ en mars 2020 du Conseil scientifique du «meilleur expert des maladies infectieuses en France et en Europe, Didier Raoult». Cela aurait dû faire «comprendre d’entrée de jeu qu’il y avait un petit problème».
Deux jours après l’allocution du Président, Didier Raoult prenait ses distances avec le Conseil scientifique. Le tout sur fond de polémique autour de l’hydroxychloroquine, le traitement promu par l’infectiologue marseillais entre autres. Convoqué trois mois plus tard devant la commission d’enquête sur le Covid-19, le patron de l’IHU Méditerranée Infection confirmait sa marginalisation au sein du groupement d’experts entourant à l’époque Emmanuel Macron.
«Il se trouve que, dans le conseil scientifique, j’étais un ovni, ou un extraterrestre, déclarait-il au cours de son audition. Il n’y avait pas de compatibilité génétique entre nous. C’était un groupe dans lequel ils se connaissaient entre eux, ils travaillaient ensemble depuis des années.»
Un entre-soi d’experts scientifiques égarés dans des certitudes appuyées sur des modélisations épidémiologistes hors sol? C’est à peu de choses près ce que critique Idriss Aberkane pour qui le plus dangereux reste l’irresponsabilité pénale de ces experts. Selon lui, «ils ne respectent pas, le critère numéro un de Nassim Nicholas Taleb», statisticien et essayiste célèbre pour sa théorie adaptée du cygne noir: «à savoir qu’ils ne rendent pas compte de leurs actes».
«Ils n’ont aucune responsabilité pénale de leurs expertises et ils n’ont aucune responsabilité même réputationnelle de leurs expertises puisque leurs travaux de commission ne sont pas publiés. Donc ces experts ne sont responsables de rien et, si jamais ils prennent une mauvaise décision, ça ne va absolument pas influencer leur carrière, de près ou de loin», conclut-il.