«C’est un jugement historique», a déclaré Sandra Muller sur BFM TV. Ce 31 mars, la Cour d’appel de Paris a donné raison à la journaliste, dans le procès pour diffamation intenté à son encontre par Éric Brion, le premier homme visé par le mouvement #BalanceTonPorc.
Dans son arrêt, la Cour d’appel a considéré que les propos de Sandra Muller étaient bel et bien une diffamation, mais que celle-ci était justifiée car elle s’inscrit dans un «débat d’intérêt général sur la libération de la parole des femmes». Ainsi les juges ont-ils reconnu le bénéfice de la bonne foi à Sandra Muller.
Un arrêt dangereux ouvrant potentiellement la porte à de futures dérives, selon l’avocat René Boustany, vice-président du Cercle droit et liberté:
«En appliquant cette condition de bonne foi au tweet de Sandra Muller, il ouvre la porte au tribunal médiatique et des réseaux sociaux. À partir du moment où on aura une volonté morale, acceptable et de bonne foi, on pourra se permettre de tout dire sans risquer la condamnation.»
Pour résumé, ce principe est expressément destiné aux journalistes, qui dans le cadre de leur travail d’enquête n’ont certes pas toutes les preuves ou les faits, mais dont le travail permet d’établir une certaine «bonne foi».
«Or, dans ce cas présent, la Cour d’appel a détourné cette notion de bonne foi au service des journalistes pour, d’une certaine manière, conforter le combat idéologique du #BalanceTonPorc», souligne René Boustany.
Entre dénonciation et délation
Petit rappel des faits. En 2017, Sandra Muller lance le premier #BalanceTonPorc, incitant les femmes à témoigner du harcèlement sexuel vécu «au boulot», et partage les propos qu’Éric Brion a prononcés à son encontre.
Des propos inappropriés, déplacés, mais qui ne s’apparenteraient pas à du harcèlement sexuel au travail, au sens strict de la loi. En 2019, la justice donnait raison à l’ancien patron d’Equidia et condamnait Sandra Muller pour diffamation à 15.000 euros d’amende. Décision contre laquelle elle fit appel.
«On ne peut pas justifier les propos tenus comme cela sur les réseaux sociaux. Si elle avait été considérée comme agressée, harcelée à l’époque, elle aurait dû porter plainte et la justice aurait décidé. Mais balancer ça comme ça, sorti du contexte, en 140 signes, ce n’est pas comme cela qu’on peut vivre dans une société apaisée et de confiance», regrette Me René Boustany.
Dans un communiqué publié sur Facebook, Éric Brion a indiqué ne pas vouloir abandonner: «je me réserve le droit de faire un pourvoi devant la Cour de cassation. Mais je suis fier aussi de tout le chemin parcouru depuis trois ans et demi.»
«Ce sera une décision d’opportunité de la Cour de cassation, qui va dire si on fait une application stricte de la loi, de sa jurisprudence intérieure ou si justement elle va vouloir légitimer ce mouvement, comme l’a fait la Cour d’appel», ajoute l’avocat.