Invité du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI ce 28 mars, Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur en charge des vaccins, a affirmé que si l’agence européenne des médicaments (EMA) approuvait le vaccin russe Spoutnik V, sa production prendrait entre 10 et 14 mois et ne saurait influencer la situation dans les pays de l'Union européenne.
Il a rappelé que le vaccin russe était «en train d’être analysé» par l’agence.
«J’ai beaucoup de respect pour les scientifiques russes et donc je n’ai aucune raison de douter de l’efficacité de ce vaccin», a-t-il déclaré, reprenant les paroles qu’il avait prononcées antérieurement.
Toutefois, Thierry Breton a indiqué que «le combat» mené actuellement consistait à «livrer des doses de vaccin».
«Je n’ai pas envie qu’on déstabilise aujourd’hui notre chaîne de production focalisée à 100% sur des vaccins qui ont déjà été approuvés par nos autorités de santé et qu’il faut livrer maintenant, dans les mois qui viennent.»
Il a par ailleurs convenu qu’il était «très compliqué de faire des vaccins». Dans ce contexte, il a souligné que le lancement de la production du Spoutnik V pourrait prendre un certain temps.
«Si jamais le vaccin est approuvé, dans quelques semaines ou dans quelques mois, et qu’ensuite on trouve le moyen de le faire fabriquer […], il faudra sans doute au moins 10, 12, 14 mois avant que les premières doses européennes arrivent».
«Pourquoi pas? Mais ça ne répondra pas au problème qui est le nôtre», a-t-il ajouté.
En outre, il s’est voulu optimiste sur la situation dans le domaine de la vaccination.
Immunité collective
Pour Thierry Breton, l'Europe est capable de produire et de livrer toutes les doses nécessaires pour atteindre l'immunité collective.
«La lumière au bout du tunnel, on la voit», a-t-il poursuivi.
Alors que l'Union européenne intensifie la production des vaccins anti-Covid, le commissaire s’est dit certain que l'immunité collective sur le continent pourrait être atteinte au 14 juillet.
«Entre le mois de mars et le mois de juin, on va livrer entre 300 et 350 millions de doses de vaccin», affirmait-il le 21 mars sur TF1, précisant que «la France, c’est à peu près 15%».
Ce dimanche, il a précisé qu’il maintenait «l’intégralité» de sa déclaration et s’est félicité de la livraison de trois millions de doses «la semaine prochaine».
Or, pour arriver à l’immunité collective à la mi-juillet, il faudrait que les laboratoires livrent toutes les doses commandées par l'Union européenne, et sans retard.
«En théorie, il [Thierry Breton, ndlr] a raison, mais il est très probable que la réalité lui donne tort», confie au Figaro Édouard Simon, directeur de recherche à l'IRIS et expert des questions européennes.
L’immunité collective ne pourra être atteinte qu’avec la vaccination de 60% à 70% de la population européenne, explique l'Institut Pasteur. Ainsi, le niveau nécessaire pour passer ou rester sous le seuil d'immunité collective dépend du nombre de reproductions de base de la maladie (R0). Par exemple, le R0 de la grippe saisonnière est égal à 2 et celui du Covid-19 à 3,3. Selon la formule du pourcentage des sujets immunisés nécessaire pour obtenir l’immunité collective, ce chiffre est de 50% pour la grippe et 70% pour Covid-19.
Poutine «gagnant-gagnant»?
À l’heure actuelle, quatre vaccins ont été validés par l'Agence européenne du médicament (EMA): ceux du laboratoire Pfizer-BioNTech, de Moderna, de Johnson&Johnson et d'AstraZeneca. Pour ce qui est du dernier, outre des retards de livraison, l'injection de son vaccin a été suspendue durant plusieurs jours dans certains pays, notamment en France, en raison de risques de caillots sanguins.
Il y a une dizaine de jours, Thierry Breton affirmait que l’UE pourrait aider la Russie à produire son vaccin Spoutnik V sur le territoire européen, assurant que c’est «un bon vaccin, car la Russie a de très bons scientifiques».
Mais à peine trois jours plus tard, il assurait que les Européens n’avaient «absolument pas besoin du Spoutnik V».
Une déclaration qui a même fait réagir Vladimir Poutine qui s’est posé la question des intérêts que «protègent et représentent ces personnes», ceux des entreprises pharmaceutiques ou des citoyens des pays européens.
Dans ce contexte, le Président russe «est dans une position gagnant-gagnant» depuis que l’efficacité de son produit a été reconnue par la communauté scientifique, souligne auprès du Figaro Tatiana Kastouéva-Jean, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri). En effet, selon elle, soit les Européens acceptent le vaccin et reconnaissent implicitement la réussite scientifique russe, soit il n’est pas autorisé et le Kremlin «pourra dénoncer un traitement inégal».