La Station spatiale internationale (ISS) a été le théâtre d’une expérience intrigante, avec l’envoi de 12 bouteilles de Petrus millésimé 2000 dans l’espace. Après un voyage de 14 mois et de 300 millions de kilomètres, la cuvée est finalement revenue sur Terre début février, pour être dégustée par des experts, rapporte dans un communiqué la start-up Space Cargo Unlimited, à l’origine du projet.
Le but de cette expérience était de savoir si la microgravité pouvait influencer les systèmes biologiques complexes. Après dégustation, les experts de l'Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) ont bel et bien pu faire la différence entre le «vin de l’espace» et son homologue terrestre. Des différences de couleur et de goût ont été remarquées, même s’il a été plus difficile aux experts de faire une distinction olfactive.
«À l'unanimité, les deux vins étaient considérés comme de grands vins, ce qui signifie que malgré le séjour de 14 mois sur la Station spatiale internationale, le "vin de l’espace" a été très bien évalué sensoriellement», explique Philippe Darriet, directeur de l'unité de recherche œnologie à l'ISVV.
Des sarments de vignes
La Station spatiale internationale avait également emportée à son bord des sarments de vigne, qui ont passé 10 mois en apesanteur, dans des alvéoles hermétiques. Les scientifiques cherchaient notamment à savoir si l’absence de gravité pouvait entraîner des changements génétiques sur les plants.
«La gravité est un paramètre central de la vie, le seul qui n'a jamais évolué sur Terre, contrairement à la température ou observé. Quand on expose des plantes à cette absence de gravité, on les soumet à un stress prodigieux, qui pourrait accélérer certaines évolutions naturelles», explique à Futura Nicolas Gaume co-fondateur de Space Cargo Unlimited.
Les sarments ont pour cela subi des analyses microscopiques, avant d’être replantés dans les serres de l’ISVV. Au bout de quelques semaines, les scientifiques ont constaté les effets de l’absence de microgravité sur les sarments, des bourgeons apparaissant plus tôt que sur les plants restés sur Terre dans les mêmes conditions.
«L'attente finale, c'est de "challenger" les plantes et de regarder si elles ont acquis une meilleure tolérance à des agents pathogènes comme le mildiou [et à] un contexte de changement climatique», explique à Futrura Stéphanie Cluzet, directrice de recherches à l'ISVV.
Les sarments continueront d’être observés, en collaboration avec l'université Friedrich-Alexander d'Erlangen-Nuremberg. La start-up Space Cargo Unlimited envisage pour sa part d’organiser une nouvelle expérience du même type l’an prochain.
Ce n’est pas la première fois que la Station spatiale internationale sert de cadre à des d’expérimentations à visées génétiques. En 2015, la NASA avait déjà étudié les effets du voyage dans l’espace sur deux jumeaux, les frères Kelly. L’un avait été envoyé à bord de l’ISS pendant 340 jours, tandis que l’autre restait sur Terre. Les scientifiques avaient alors constaté des modifications épigénétiques dans les cellules sanguines de l’astronaute.