La semaine aura été marquée par deux apparitions médiatiques d’Emmanuel Macron au sujet de sa gestion de crise, lui qui n’était pas intervenu de la sorte depuis le 2 février. Or, ces deux séquences font parler, non parce qu’elles s’accompagnent de nouvelles mesures –le Président n’a rien décrété de concret dans l’immédiat–, mais par les jugements qu’il a portés sur l’action gouvernementale. Y transparaîtrait une incapacité à se remettre en question et surtout à anticiper que dénonce, parmi d’autres, le docteur Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre.
«On veut nous faire croire que c’est inéluctable, que le virus accélère et que quand il accélère, il faut durcir les mesures. Mais c’est cette adaptation qui est la source de tous les problèmes. Il ne faut jamais s’adapter, il faut le précéder! Au bout d’un an, ils n’ont toujours rien appris», regrette le médecin au micro de Sputnik.
Pourtant, le 24 février, lors d’une interview face à Nikos Aliagas pour la chaîne grecque ERT1, le chef de l’État avait esquissé une forme d’aveu de faiblesse concernant la campagne vaccinale européenne.
Pour autant, le gouvernement porterait tout de même la responsabilité de l’échec vaccinal en ayant «défendu et justifié jusqu’ici» cette stratégie.
Un bilan assumé
En matière de bilan, Angela Merkel a fait preuve d’un peu plus d’humilité. Le même jour, elle concédait s’être trompée au sujet du confinement pour les fêtes de Pâques.
«Cette idée était une erreur, elle est trop difficile à mettre en œuvre. […] Je sais que cela crée encore un peu plus d’incertitude dans la population. Je demande pardon à tous les citoyens», s’est excusée la Chancelière allemande.
Une confession à l’opposé du plaidoyer livré par son homologue français le lendemain. Lors d’une allocution tardive –le Président a décidé de s’exprimer à 22h30 ce 25 mars–, il est revenu sur le confinement décrété il y a une semaine. Se défendant d’avoir agi trop tard et d’avoir ainsi confronté le pays à une hausse inquiétante des contaminations (plus de 65.000 nouveaux cas ces dernières 24 heures), Emmanuel Macron a refusé de concéder une erreur de stratégie.
«Nous avons eu raison de ne pas reconfiner la France à la fin du mois de janvier, parce qu’il n’y a pas eu l’explosion qui était prévue par tous les modèles. Je peux vous affirmer que je n’ai aucun mea culpa à faire, aucun remords, aucun constat d’échec», a affirmé le locataire de l’Élysée au sujet de son «pari» risqué d’éviter un nouveau reconfinement aux Français.
Beaucoup reprochent au gouvernement de ne pas avoir pris des mesures dès janvier comme le suggéraient les modélisations scientifiques émissent en janvier par l’INSERM et laissant prévoir un pic épidémique.
Là encore, le docteur Marty y voit une absence totale de pragmatisme.
«C’est contradictoire. Toutes les mesures qui devraient être mises en œuvre pour sortir véritablement de la crise ne sont pas mises en place. On dit par exemple qu’il n’y a pas de contaminations dans les écoles, puis ensuite on masque ce qui s’y passe, les contagions, les fermetures de classe. On leur a dit ce qu’il fallait faire pour les laisser ouvertes, mais ils n’ont rien voulu entendre et aujourd’hui font comme si de rien n’était.»
Cela dit, le gouvernement est-il totalement coupable de l’évolution actuelle du virus en France? Jusqu’où portent sa responsabilité et ses contradictions?
L’exécutif orgueilleux, déconnecté et indécis?
Selon le médecin généraliste, l’argument économique et psychologique mis en avant pour justifier les demi-mesures ne tient pas. Au contraire selon lui, des mesures fortes, mais courtes auraient mieux valu que des confinements «light» qui traînent et ne sont pas efficaces.
Et le problème majeur du gouvernement ne serait pas tant son indécision, note Jérôme Marty, mais plus tôt sa déconnexion totale, liée principalement au manque de relais de terrain.
«LREM manque de maires pour leur faire remonter les informations réelles et les problématiques sur le plan local. Ils compensent avec les réseaux sociaux en s’imaginant qu’ils reflètent l’opinion générale. Or, la plupart des patients n’en peuvent plus, non pas d’être confinés, mais que cela dure depuis un an. “Qu’on nous confine une bonne fois et qu’on en finisse, plutôt que de tourner en rond”, disent-ils.»
La pilule passerait d’autant plus difficilement que les règles de sécurité préconisées pour les Français ne sont pas toujours appliquées par l’Exécutif lui-même. Ainsi, des contaminations récentes au sein du gouvernement ont-elles fait jaser, obligeant le porte-parole du gouvernement à marteler que «tous les membres du gouvernement on fait particulièrement attention, d’abord pour des raisons sanitaires et ensuite parce qu’on doit être exemplaires.»
Tandis que plusieurs sont cas contact, deux ministres ont en effet été admises à l’hôpital, celle du Travail, Élisabeth Borne, et celle de la Culture, Roselyne Bachelot. Cette dernière avait, la veille de son test, assisté à la captation de l’opéra Faust à l’Opéra Bastille. Une irresponsabilité supplémentaire ajoutée à l’incapacité à appliquer des gestes simples «comme ouvrir les fenêtres pour aérer, par exemple», assène le président du syndicat médical. La prise de conscience serait désormais «trop tardive», prévient-il, pessimiste.