Le 18 mars, de nouvelles restrictions sanitaires ont été annoncées dans 16 départements. Cependant, elles ont été mal accueillies non seulement par les Français, qui les jugent incohérentes, inefficaces et opaques, mais aussi par des médecins.
«On parlait d'un vrai confinement»
Dans un entretien au Parisien, l’infectiologue Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, fait part de ses inquiétudes. Selon elle, à l’annonce des nouvelles mesures «on parlait d'un vrai confinement sans avoir le détail des règles qui, au fil des 48 heures qui ont suivi, ont été largement modifiées et allégées, avec par exemple l'ouverture de certains magasins ou encore des imprécisions sur les établissements scolaires».
«Finalement, on se rend compte que ces mesures font essentiellement appel à la responsabilité individuelle et sont difficilement contrôlables par des moyens de coercitions extérieurs», estime-t-elle.
Les mesures prises n’auront «probablement aucun impact»
Elle indique que ces règles «n’auront probablement aucun impact» sur la situation actuelle et explique pourquoi. «Demander de ne pas recevoir chez soi ou de ne pas se rendre à plus de dix kilomètres de son domicile est une chose. Dans les faits, il est impossible de vérifier si cela est bien suivi. Dans le même temps, on se rend de plus en plus compte que ces règles sont de moins en moins respectées.»
D’après Mme Lacombe, il y a beaucoup de fêtes sauvages, «sans parler de ce carnaval à Marseille où les hôpitaux, déjà au bord du précipice, sont désormais complètement saturés».
«La région Nord n'est pas épargnée et il est maintenant reconnu que les carnavals sauvages qui s'y sont déroulés sont probablement responsables de la résurgence de l'épidémie dans cette région.»
L’accueil hospitalier «n’est pas infini»
Même si l’infectiologue admet qu’il y a encore «un potentiel» d’augmentation d’accueil hospitalier, il «n’est pas infini».
«Nous serons obligés, rapidement et si rien n'est fait, de trier les malades, ce que nous n'avons pas fait au printemps dernier grâce aux effets d'une mesure très brutale de freinage de l'épidémie», déplore-t-elle.
Karine Lacombe qualifie la situation hospitalière en Île-de-France d’«extrêmement préoccupante». Les entrées en réanimation «continuent d'augmenter» et sont «d'une ampleur jamais vue depuis l’année dernière, entre le 24 mars et le 5 avril soit au plus fort de la première vague et une semaine après un confinement strict. L'incidence est très élevée à Paris et dans sa région, à 600 pour 100.000 habitants, mais la plus forte, à 708, concerne des personnes jeunes de 20 à 29 ans!»
Répondant à la question de savoir s’il est nécessaire de reconfiner à la manière du printemps 2020, elle a martelé qu’il «faut d’autres mesures». «Je ne sais pas lesquelles, et je ne sais pas si celle d'un confinement strict est la meilleure. C'est au gouvernement de trancher. On peut décider de ne rien faire de plus, mais il y aura une augmentation du nombre de morts, et choisir de parier sur la vaccination rapide et pour tout le monde. Elle a prouvé ces effets puisque les personnes les plus âgées ne sont plus celles qui arrivent en réanimation aujourd'hui.»
Trois nouveaux départements
Le 24 mars, le gouvernement a annoncé son intention d'ajouter trois nouveaux départements, ceux de l'Aube, de la Nièvre et du Rhône, aux 16 soumis depuis samedi à des mesures de freinage renforcées.
Rassemblements de plus de six personnes interdits
En outre, le ministère de l'Intérieur a décidé d'interdire les rassemblements de plus de six personnes, en extérieur, sur l'ensemble du territoire français. Il s'agit d'en appeler «au sens des responsabilités des Français», a déclaré Gérald Darmanin, en ajoutant qu'il avait été demandé aux forces de l'ordre de faire preuve de «discernement et de bon sens».
«Les forces de l'ordre verbaliseront les faits caractérisés d'abus de la règle», a tenu à souligner le ministre.
«Je demeure très inquiet à propos de la situation sanitaire»
Toujours le 24 mars, Le Canard enchaîné a dévoilé les propos d’Olivier Véran tenus dans les coulisses du pouvoir sur l’état de la situation:
«Je demeure très inquiet à propos de la situation sanitaire. Je pense qu’avec les effets conjugués des mesures prises, de l’arrivée du printemps et des bienfaits de la vaccination, on finira par s’en sortir. Mais d’abord il va falloir affronter, dans les réa, une vague très haute qui mettra des semaines avant de descendre. On va avoir des images difficiles à supporter à l'hôpital».