«Compte tenu de l’amitié que Sarkozy porte à Xavier Bertrand, je ne suis pas sûr qu’il appellerait à voter pour lui face à Macron. Bertrand n’est même plus adhérent du parti. Mais, bon, qui leur reste-il?» Ce commentaire d’un ancien proche collaborateur de Nicolas Sarkozy en dit long sur l’état des Républicains –parti que l’ancien Président a lui aussi déserté puisqu’il a officiellement renoncé à la politique! En l’absence de candidature mobilisatrice dans leurs rangs, Les Républicains iront-ils jusqu’à soutenir Xavier Bertrand, qui vient de proclamer ses ambitions élyséennes? Ancien ministre de Sarkozy, il avait pourtant claqué la porte de la formation néo-gaulliste en 2017, après l’élection de Laurent Wauquiez comme président du parti. Mais ce mouvement n’en est plus à une déconvenue près, faut-il croire…
En effet, comme il semble loin, le temps où le parti était celui de la majorité… le temps où il incarnait une opposition crédible aussi. En 2017, le gagnant des primaires de la droite et du centre était, à écouter bien des commentateurs, assuré de l’emporter face à un bilan socialiste largement rejeté. Le sabordage judiciaire de François Fillon et la victoire d’Emmanuel Macron auront rebattu les cartes et balayé les partis traditionnels. Lesquels ne s’en sont dès lors jamais remis.
Conscients de cet affaiblissement, certains membres de LR réfléchiraient même déjà à des alliances leur permettant de rester en première ligne et d’intégrer un prochain gouvernement. Pour l’instant, la plupart d’entre ne se départissent pas d’une prudence de Sioux. Ils s’épanchent anonymement. Ainsi de ceux qui disent craindre l’émergence d’«un complot Sarkozy-Baroin-Jacob» qui favoriserait Emmanuel Macron. Enfin, plusieurs piliers du parti brandissent déjà la carte du front républicain et du tout sauf Marine Le Pen. Dernier en date: le président du Sénat, Gérard Larcher, qui déclarait vouloir appeler à voter pour tout candidat qui se retrouverait face à la présidente du Rassemblement national au second tour. Bien sûr, Bruno Retailleau ou encore le candidat nouvellement déclaré, Xavier Bertrand, ont pour leur part rejeté toute perspective de «deal pour aider Emmanuel Macron à sa réélection» (dixit l’ancien élu de l’Aisne). Mais les circonstances leur sont pour le moins défavorables.
Si, de fait, le parti n’a encore officiellement soutenu aucune candidature, celle de Xavier Bertrand pourrait être concurrencée par Valérie Pécresse ou Bruno Retailleau qui peinent à dissimuler leurs ambitions présidentielles. Un possible «système de départage» des futurs candidats a d’ailleurs été proposé par le même Gérard Larcher, sans préciser toutefois si cela prendra la même forme que les primaires de 2016. Bref, avant que quiconque ne finisse par s’imposer comme le candidat officiel de la droite parlementaire, les signes avant-coureurs d’un désastre s’accumulent.
Un parti à l’électorat siphonné
Pour une ancienne figure emblématique du parti contactée par Sputnik, Les Républicains n’existent encore que pour pouvoir négocier une «participation active» au prochain gouvernement ou pour conserver des avantages. «Chez les Républicains, tout le monde se voit Premier ministre d’un gouvernement de coalition», déclarait d’ailleurs récemment un député LR à La Dépêche.
«Certains espèrent peut-être avoir la majorité à l’Assemblée pour imposer une cohabitation à Macron, mais c’est peu crédible. D’autres se voient déjà ministres dans le nouveau gouvernement ou espéreront négocier un rôle, mais le parti n’y survivra pas. Il restera un petit noyau, les vrais croyants. Mais la plupart des dirigeants actuels ne sont là que pour marchander. D’ailleurs, c’est la seule raison pour laquelle ils diffèrent encore leur adhésion à LREM», ironise notre interlocuteur.
Pourtant, «en soi, dans son projet initial», le parti ne convaincrait en réalité plus personne. L’échec des Présidentielles a laissé des traces. Avec l’élection de Laurent Wauquiez à la présidence des Républicains en décembre 2017 et la candidature, poussée par ce dernier, de François-Xavier Bellamy aux Européennes de 2019, la droite a pu donner le sentiment d’avoir retrouvé un souffle… avant de s’écrouler une nouvelle fois dans les urnes (8,5% aux européennes), entraînant la démission de son nouveau chef.
«On a connu une véritable crise. On espérait l’emporter, mais nous avons subi des échecs conséquents, aux Présidentielles, aux législatives», concédait, dès 2018, le vice-président de l’Assemblée nationale et député LR, Marc Le Fur. L’ancien parti majoritaire est désormais l’ombre de lui-même: «Nous avions deux cents députés, nous en sommes à un peu plus d’une centaine maintenant, c’est une difficulté.» Dirigé depuis par Christian Jacob, le parti peine à retrouver sa place et l’adhésion d’un électorat majoritairement éparpillé du côté de LREM et, de manière significative, vers… Marine Le Pen
Un dernier sondage réalisé début mars par Harris Interactive caractérise cette perte d’adhésion. Dans l’hypothèse où il serait le candidat soutenu par LR, Xavier Bertrand recueillerait ainsi 15% des intentions de vote (–1% depuis janvier) et Valérie Pécresse 12%.
Ce n’est pas tout! Selon le sondage, la moitié seulement des soutiens historiques du parti voterait cette fois-ci pour le candidat LR, tandis que 20% iraient directement vers Emmanuel Macron et près de 20% également vers la candidate du Rassemblement national, celle-ci attirant davantage les fillonistes conservateurs et souverainistes.
De même, de nombreuses transfuges LR vers le gouvernement Macron (Philippe, Darmanin, Lecornu, Castex…) auront sans doute dérouté l’électorat de centre droit, déçus ou ne sachant plus sur quel pied danser.
Rallier Macron ou disparaître?
Le malheur des uns pourrait pourtant faire le bonheur des autres. Pas plus tard que ce lundi 22 mars, un ministre proche de la droite abondait dans le sens d’une collaboration. «Il vaut mieux que LR soit avec nous plutôt qu’à côté», chuchotait-il en off au Figaro. Une option qui serait, semble-t-il, favorable aux deux côtés du manche, permettant d’une part la réélection de l’actuel Président et, d’autre part, la survie du parti historique. Une alliance qui s’impose même comme «naturelle». «Reste à savoir quand elle se fait», affirmait, toujours au quotidien, un autre membre du gouvernement, voyant déjà Valérie Pécresse comme une potentielle alliée.
Cette cohabitation LREM-LR, Christian Estrosi aura été pour la postérité le premier à en entrevoir les bénéfices et à proposer, dès août, une alliance à l’actuel locataire de l’Élysée.
«Pour ne pas gâcher tous les talents de la droite, passons un accord avec Emmanuel Macron pour qu'il soit notre candidat commun à la Présidentielle et que ceux-ci puissent participer au redressement de notre pays», osait même déclarer à l’époque le maire LR de Nice.
Une alliance qui ressemblerait à celle passée entre le candidat Macron, à l’époque, et le président du Modem, François Bayrou. Un pari payant pour le parti centriste qui, grâce à la victoire du fondateur d’En Marche, passait de deux à quarante-sept députés.
Chez Les Républicains, deux camps se dessinent donc. Le débat pourrait être tranché d’ici à dix mois. C’est en tout cas ce qu’estime Éric Woerth qui, selon Le Parisien, confiait en privé: «Si LR est à 12-13 %, en février 2022, la question de notre présence au premier tour sera posée…»