«L’Iran n’a reçu ni directement, ni indirectement de message» de l’administration Biden

Dans un entretien à Sputnik, le porte-parole de la diplomatie iranienne, Saeed Khatibzade, donne des précisions sur les négociations avec Washington concernant le programme nucléaire, telles que Téhéran les voient, ainsi que les relations avec les États-Unis sous la présidence de Joe Biden.
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Entre le dossier nucléaire, l’assassinat de Qassem Soleimani et le changement de l’équilibre dans le Golfe, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Saeed Khatibzade, a clarifié au micro de Sputnik la position de son pays sur les dossiers régionaux et internationaux.

Relations avec les États-Unis

Sputnik: Près de deux mois se sont écoulés depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden. Récemment, Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du Président américain, a déclaré que les États-Unis avaient envoyé un message à l’Iran par le biais d’intermédiaires européens. Avez-vous déjà reçu un appel téléphonique de l’administration présidentielle?

Saeed Khatibzadeh: Jusqu’à aujourd’hui, l’Iran n’a reçu ni directement ni indirectement de message de la nouvelle administration américaine et n’a envoyé de son côté aucun message. Il faut faire la distinction entre les déclarations que font les pays européens et ce que nous disons aux Européens.

Sputnik: Dans quelles conditions l’Iran sera-t-il prêt à s’asseoir à la table des négociations avec les États-Unis pour résoudre la question du Plan d’action global commun (PAGC)? Quel rôle l’Iran attribue-t-il à la Fédération de Russie dans cette affaire?

S.Khatibzadeh: Le PAGC a une feuille de route claire. L’accord nucléaire est l’un des accords internationaux les plus longs, il aborde tous les thèmes, jusqu’aux détails les plus précis sur la manière d’agir à l’avenir sur telle ou telle question. De ce fait, il n’est pas nécessaire d’envoyer ou de recevoir de message [des États-Unis] ou de fixer des conditions de négociation. La seule chose à faire, dans le cadre du PAGC, est que les États-Unis comprennent qu’il n’y a pas d’autre moyen de revenir au PAGC que de remplir leurs obligations au titre de la résolution 2231.

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La Russie est une partie importante et active à l’accord nucléaire. La Fédération de Russie connaît mieux que les autres pays signataires de ce traité international les graves obstacles que les États-Unis ont créés par leur retrait unilatéral pour tous ceux qui ont appliqué la résolution 2231, et quelle sanction ces pays ont imposée aux États-Unis. La Russie est un membre actif du Conseil de sécurité de l’ONU [détenant le droit de veto]. Par conséquent, elle joue un rôle important et primordial pour nous dans la résolution du problème du PAGC. Nous saluons les efforts de nos amis [de la Russie] pour préserver le PAGC et les tentatives de la Fédération de Russie de forcer les États-Unis à s’acquitter de leurs obligations au titre de la résolution 2231.

Tout d’abord, il convient de noter qu’à la suite des efforts de Donald Trump, les États-Unis se sont retirés du PAGC le 8 mai 2018. Et pendant toute une année, alors que l’Iran s’acquittait honnêtement de toutes ses obligations en vertu de cet accord, ils ont essayé d’empêcher par tous les moyens les autres parties à l’accord de remplir leurs obligations. Après que les États-Unis ont levé toutes les exceptions aux sanctions (sont revenus sur toutes les sanctions annulées par l’accord nucléaire), ils ont rendu presque impossible le respect par l’Iran de ses obligations nucléaires dans le cadre de l’accord. L’Iran a attendu un an que les parties européennes agissent et a finalement réduit ses obligations au titre du PAGC. Mais dans le même temps, l’Iran ne s’est pas retiré du PAGC, il est resté partie à cet accord. Et là, il y a une grande différence entre la position de l’Iran et celle des États-Unis, qui se sont complètement retirés du PAGC. La logique est très claire et simple: ceux qui ont quitté le bâtiment [c’est-à-dire le PAGC, ndlr], mais veulent s’asseoir à la table des négociations de ce bâtiment, doivent d’abord retourner dans ce bâtiment, remplir leurs obligations afin d’être à nouveau considéré comme partie à part entière du PAGC.

Sputnik: En évoquant les problèmes dans les relations avec les États-Unis, vous avez soulevé à plusieurs reprises le fait que les autorités américaines persécutent les diplomates iraniens et les membres de leur famille dans les organisations internationales aux États-Unis, en violation du droit international. En quoi exactement cette pression sur les représentants du corps diplomatique iranien s’exprime-t-elle?

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S.Khatibzadeh: Conformément à tous les droits et normes du droit international, les États-Unis, en tant que pays où se trouvent les sièges des structures onusiennes, doivent fournir toutes les conditions nécessaires au séjour aussi bien des diplomates permanents que des diplomates intérimaires de l’ONU. Malheureusement, les États-Unis créent des problèmes pour les diplomates iraniens depuis de nombreuses années. Par exemple, ils restreignent complètement leurs itinéraires de déplacement, ce qui contredit les obligations du pays hôte envers l’ONU. L’administration américaine précédente avait une position à tel point préconçue que les diplomates iraniens n’avaient le droit de se mouvoir que dans la limite de deux ou trois rues au maximum. Bien sûr, cela nous montre que les États-Unis ne respectent pas le droit international en ne se conformant pas à leurs obligations envers l’ONU.

Sputnik: Qu’en est-il de l’affaire du diplomate iranien Asadollah Asadi, qui a été arrêté en Belgique?

S.Khatibzadeh: Dès le début de cet incident, nous avons déclaré à tous les pays concernés qu’il était très dangereux d’agir de cette façon avec des diplomates, que leur détention et leur interrogatoire étaient illégaux et que le tribunal n’avait tout simplement pas la compétence pour examiner de telles affaires. Par conséquent, tout verdict ou décision de justice est selon nous illégal. Nous suivons de près la procédure en cours et espérons que cette question sera résolue positivement, que nos diplomates pourront librement revenir dans leur pays.

Sputnik: Concernant la question de l’échange de prisonniers entre l’Iran et les États-Unis, si un accord est conclu avec les États-Unis dans le cadre du PAGC, combien de prisonniers américains l’Iran est-il prêt à échanger contre ses citoyens détenus dans les prisons américaines?

S.Khatibzadeh: La question du compromis sur le PAGC n’a rien à voir avec celle de l’échange de prisonniers. Nous avons à maintes reprises répété que l’échange de prisonniers devait se faire selon le principe du «tous contre tous». Beaucoup de nos compatriotes sont détenus dans des conditions détestables [dans des lieux de détention] aux États-Unis. Ce dossier peut être qualifié de véritable prise d’otages iraniens par les États-Unis. Il y a quelque temps, un professeur iranien a été accusé de fausse coopération avec notre bureau de New York –ce dont ils parlent de façon assez transparente–, il a été arrêté à l’aube et menotté. Quand les États-Unis voudront arrêter ce processus, nous serons prêts à y mettre fin pour toujours. Bien que nous n’espérions pas que cette «prise d’otages iraniens» aux États-Unis soit résolue de sitôt, nous sommes prêts à échanger tous contre tous.

Sputnik: L’Iran envisage-t-il de soulever la question de l’extradition des «assassins» de Qassem Soleimani avec la nouvelle administration Joe Biden? Espérez-vous la coopération du Président américain sur ce dossier?

S.Khatibzadeh: La solution à la question du décès du général Qassem Soleimani mort en martyr a été un sujet d’un intérêt crucial pour l’Iran dès le premier jour de ce drame. Les tribunaux iraniens ont méticuleusement examiné les aspects civils et pénaux de cette affaire. Des verdicts seront rendus très prochainement, nous annoncerons les noms de tous les criminels et des personnes impliquées, que l’Iran pourra poursuivre plus facilement selon le droit international. Sans aucun doute, les principaux suspects dans cette affaire sont les États-Unis, et plus précisément l’ancien Président Donald Trump, toutes les personnes de son administration sont impliquées dans cet ignoble meurtre. Ce sont les principaux accusés dans cette affaire. Par conséquent, nous irons jusqu’au bout pour régler cette question avec les États-Unis par toutes les voies juridiques possibles.

Sputnik: À propos de M.Trump, l’appareil du directeur du renseignement national américain vient de déclarer que l’Iran a tenté d’influer sur les résultats de la présidentielle de 2020 aux États-Unis, cherchant à empêcher la victoire du républicain Donald Trump. Est-ce vrai?

S.Khatibzadeh: La source la moins fiable et la plus mensongère de ces accusations est la CIA. Nous [les Iraniens. ndlr] vivons dans un pays où la CIA a planifié le coup d’État le plus important de l’histoire contemporaine. Et cela a changé le sort de notre pays et de notre région.

Comme ils [la CIA] participent constamment à différents coups d’État et s’immiscent dans les élections d’États régionaux, ils pensent qu’ils peuvent accuser d’autres de tels agissements. Pour nous, la politique intérieure des États-Unis n’est pas suffisamment attrayante pour qu’on puisse avoir affaire à elle.

Israël et les Palestiniens

Sputnik: L’Iran a plus d’une fois déclaré que la reconnaissance d’Israël était impossible avant le règlement de la question palestinienne. Comment proposez-vous de régler le problème de Jérusalem et celui des réfugiés palestiniens? Que proposez-vous pour les Juifs qui sont nés en Israël et qui n’ont pas immigré?

S.Khatibzadeh: Nous ne reconnaissons que la Palestine qui était, est et sera la question principale du monde islamique. Le régime d’occupation israélien a beau tenter d’étouffer l’affaire par le biais de compromis, de normalisation des relations avec les pays arabes ou de ses campagnes de renseignement ou d’espionnage, la Palestine est le problème principal de l’Extrême-Orient jusqu’à l’Afrique du Nord, et Israël est la racine de tous les défis existant dans la région. C’est pourquoi nous avons présenté et enregistré à l’Onu le plan iranien sur le règlement de la question palestinienne. Notre plan est composé de quatre articles. Il se fonde sur le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et sur la Charte de l’Onu. Selon le plan, tous les réfugiés palestiniens, sans exception, ont le droit de retourner sur leurs terres (aujourd’hui occupées), d’organiser un référendum général avec la participation de tous les habitants de souche des territoires palestiniens, de former un gouvernement issu du droit de vote du peuple puis de définir le sort des habitants non autochtones. Selon l’Iran, c’est le seul moyen de faire valoir les droits du peuple palestinien, et cette voie est l’opposé de ce qui se passe actuellement sur les territoires occupés.

Territoires palestiniens: Israël peut dormir tranquille, les Européens restent divisés
En ce qui concerne le sort et les droits des Juifs nés sur le territoire israélien, il doit être décidé après la formation de l’État palestinien par un référendum avec la participation de tous les habitants autochtones de la Palestine et après la rédaction et l’adoption d’une constitution ad hoc.

Sputnik: Certains supposent qu’Israël est en train de former une alliance militaire avec plusieurs pays du Golfe. Comment voyez-vous cela?

S.Khatibzadeh: C’est Israël qui est la source de ces déclarations. Il ne cherche qu’à renforcer l’iranophobie et à détourner l’attention de l’opinion publique du problème de la Palestine. C’est le régime israélien qui est la source de tous les maux, les problèmes, les guerres, les conflits et du chaos au Proche-Orient. De nombreux pays pâtissent toujours de l’afflux de réfugiés palestiniens forcés à se déplacer vers les pays voisins de la Palestine car leurs terres sont occupées par le régime israélien qui encourage quotidiennement la terreur et les assassinats, se livre à des exactions, organise des complots et accomplit des actions destructrices à travers le monde, y compris dans le cyberespace.

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