Au Cameroun, les ossements humains au cœur d'un étrange trafic

Le trafic d’ossements humains prend de l’ampleur au Cameroun. Des individus sont régulièrement appréhendés en possession d’os de morts ou en pleine profanation de tombes. Ces ossements humains sont ensuite vendus à prix d’or à travers le pays. Ces derniers seraient très prisés pour des pratiques occultes.
Sputnik

Le phénomène est devenu monnaie courante au Cameroun et alimente très souvent les colonnes de la presse locale. Le 9 mars, la gendarmerie a interpellé trois trafiquants d’ossements humains présumés, la vingtaine à peine entamée, au cours d’une embuscade tendue dans la région du centre. Le butin saisi était constitué pour l’essentiel de trois sacs contenant des squelettes humains complets.

Un phénomène récurrent

Le dernier cas en date n’est pourtant qu’un échantillon insignifiant d’un phénomène très courant. De pareilles arrestations sont enregistrées presque chaque mois dans le pays. Mi-janvier, des étudiants âgés de 18 à 22 ans ont été arrêtés pour les mêmes motifs dans la localité de Meiganga, dans la région de l’Adamaoua. Au bout d’une longue interrogation policière, ces hors-la-loi ont avoué que l’acheteur du butin était établi dans la région de l’Est et qu’il leur avait promis une forte récompense estimée à plusieurs millions de francs CFA en échange.

​De même, en octobre 2020, quatre autres individus avaient été interpellés en possession d’un squelette humain complet dans la ville de Douala. Les malfrats avaient avoué qu’ils comptaient vendre ces restes humains pour 15 millions de FCFA (soit environ 23.000 euros) à un client qui en avait passé la commande. Des faits similaires sont donc régulièrement signalés dans plusieurs régions du pays où, plus d’une fois, des individus, jeunes le plus souvent, sont appréhendés en pleine profanation de tombes et exhumation d’ossements humains.

Des os humains pour des pratiques mystiques

Dans le pays, la pratique alimente les conversations et bien du monde s’interroge sur la récurrence de ce trafic. Si au sujet de la destination de ces ossements l’on en est encore à des supputations, le professeur Herman Nyeck Liport, parapsychologue établi à Douala, a sa petite idée sur la question. Pour le spécialiste du paranormal, ces ossements sont exploités à des fins ésotériques ou de médecine traditionnelle.

«Il s’agit principalement des ingrédients que certains utilisent pour des pratiques occultes. La raison est que dans de nombreuses traditions locales, les gens pensent que les ossements humains confèrent un certain pouvoir et tout ce qui donne le pouvoir attire les hommes. Pour ces praticiens de la magie, l'ossement humain est doté de vibrations qui peuvent agir positivement ou négativement sur autrui… Ils utilisent aussi ces os dans certains traitements traditionnels», explique-t-il au micro de Sputnik.

On doit traquer les demandeurs d'ossements humains. C'est trop facile de les laisser en paix. Si il y a trafic,c'est parce qu'il y a une demande.

Sans être exhaustif sur les mobiles de ce curieux commerce, Herman Nyeck Liport précise que «la pratique fait courir autant de jeunes au Cameroun parce qu'elle est lucrative et le réseau est bien plus vaste que vous ne l’imaginez».

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De son côté, Edmond Mballa, sociologue et enseignant dans un institut privé supérieur au Cameroun, pointe la désacralisation des valeurs dans la société pour expliquer la récurrence de la pratique: «il faut comprendre ce phénomène en le plaçant dans la société camerounaise globale». Une société, poursuit-il, «traversée par un état d'anomie qui pousse certaines personnes à faire feu de tout bois pour survivre. La fin justifie les moyens, disent-ils».

«Ce phénomène est à l'image du fonctionnement de la société dans son ensemble. Il n'y a plus véritablement de sacré au Cameroun ou du moins, il tend à se diluer. On est en plein dans la crise des valeurs. Certains sont désormais capables de relativiser les valeurs ancestrales ou même de les ignorer au nom de la modernité ou de la recherche de leur pitance», analyse-t-il au micro de Sputnik.

Face à la recrudescence de ce phénomène, il n’est pas rare de voir certaines familles monter la garde autour des tombes pendant des semaines après l’enterrement, une façon de veiller à ce que personne ne vienne voler la dépouille. D’autres préconisent de faire des tombes plus profondes et de sécuriser les cimetières.

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