Jugée raciste, la chanson «Chaud cacao» d’Annie Cordy fait polémique

Une polémique a éclaté en Belgique peu de temps après qu’un tunnel bruxellois a été renommé en l’honneur de la chanteuse Annie Cordy pour mieux représenter le rôle social des femmes dans la ville. Certaines activistes trouvent raciste le texte de sa chanson «Chaud cacao».
Sputnik

Le tube de la chanteuse Annie Cordy «Chaud cacao», sorti en 1985 et plein de rimes simples comme «ca-ca-o/coco», contient des «propos problématiques», un esprit général «raciste» et cumule les stéréotypes sur l’Afrique, affirment certaines activistes. D’autres militants antiracistes se désolidarisent.

Le roi évincé

Alors qu’Annie Cordy s’est éteinte il y a six mois, c’est un tunnel rebaptisé en son honneur qui a déclenché la polémique. Auparavant, le tunnel portait le nom de Léopold II, roi associé au passé colonial congolais de la Belgique. En juin 2020, Philippe, l’actuel roi de tous les Belges, a pour la première fois évoqué «des actes de violence et de cruauté» commis lors de la période coloniale à l'ex-Congo belge, et a présenté ses regrets. Début juin, au cours d’une manifestation en soutien au mouvement Black Lives Matter, des manifestants s’en sont pris aux statues du roi Léopold II à Bruxelles en criant «assassin».

La procédure de changement de nom a été lancée fin 2020, et suite au vote populaire, la candidature de la chanteuse a remporté 22% des 30.715 votes comptabilisés.

Le 8 mars, le service public régional Bruxelles Mobilité a annoncé que le tunnel Léopold II allait être renommé Annie Cordy. «Seuls 6,1% des rues portent le nom d'une femme et 93,9% portent le nom d'un homme. C'est peu représentatif du rôle social des femmes dans la ville, actuel et passé», souligne l’administration bruxelloise.

Les «propos problématiques» de «Chaud cacao»

Ce choix n’a toutefois pas été du goût de tous. En effet, une semaine après le changement de nom, des activistes antiracistes ont pointé le racisme présent dans une chanson de Cordy.

Invitée sur RTL le 14 mars, l’architecte Apolline Vranken, qui promeut l’idée de donner plus de visibilité aux femmes dans le paysage urbain, a affirmé que la chanson «Chaud cacao» contient des «propos problématiques».

«Effectivement, on remet un peu en question ce choix-là, mais on se réjouit du fait que le débat, aujourd'hui, ne tourne pas spécifiquement sur la question de renommer par des noms de femmes, mais plus spécifiquement sur les questions de racisme ou encore des questions communautaires», expose Apolline Vranken qui se dit persuadée «qu'il y a beaucoup de figures du matrimoine bruxellois et de féministes qui n'ont pas eu des actions ou des propos problématiques».

Un avis partagé par Mireille-Tsheusi Robert, présidente du Centre féministe de réflexion et d’action sur le racisme anti-noir.e.s BAMKO qui dénonce, toujours sur le plateau de RTL, l’esprit «raciste» du tube.

«Ce n'est pas ma chanteuse préférée, surtout sur la chanson que j'estime être raciste dans son esprit», lâche-t-elle avant d’ajouter: «C'est une chanson qu'on ne peut pas effacer du patrimoine belge ni Annie Cordy d'ailleurs, mais ce qui est le plus important, c'est d'en être conscient».

Contactée par Sputnik, Mme Robert détaille: «l’artiste parle le "petit nègre", et le blackface, c’est du racisme».

Dans la version dite classique de la chanson, Annie Cordy chante avec un groupe d’enfants déguisés, dont deux d’entre eux tiennent un masque à grande bouche pouvant faire allusion aux visages caricaturés de personnes noires.

Pas l’unanimité

Un avis pourtant loin de faire l’unanimité, surtout parmi les activistes antiracistes. Le 15 mars, le collectif LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) a fait part sur Twitter de son incompréhension et de sa perplexité quant au racisme présumé du texte de la chanson. «Désolé de déranger les dingues, mais dans "Chaud cacao", le racisme vise-t-il les "dragons siffleurs", les "crabes-tambours" ou les "loups-garous"?», ironisent-ils.

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