«La récession est derrière nous.» Le 9 mars, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a décrit au micro de France Info un avenir économique radieux pour l’Hexagone. Selon lui, la croissance de l'économie française sera «au moins égale à 5% en 2021». Ainsi serait-elle «l'une des plus fortes d'Europe, nettement supérieure à la moyenne européenne».
Rappelant que «la prévision de la Banque de France est indépendante du gouvernement», il a souligné qu’un niveau de croissance de 5% représenterait «le plus fort rebond de l'économie depuis près de cinquante ans». Une performance qui ferait du bien après une année 2020 cauchemardesque. La France a connu sa pire récession depuis la Seconde Guerre mondiale en accusant une chute du PIB de 8,2%.
«La confiance des consommateurs» comme variable majeure
Le même jour, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) relevait ses prévisions de croissance. La zone euro ne faisant pas exception dans ce regain d’optimisme.
L’OCDE y prévoit désormais une croissance économique de 3,9% en 2021 au lieu de 3,6%. Même si l’Organisation a très légèrement revu à la baisse sa prévision pour la France à 5,9%, contre 6% auparavant, soit autant alors que Bercy, l’Hexagone est toujours en tête du classement de la zone euro devant l'Espagne (+5,7%), l'Italie (+4,1%) et l'Allemagne (+3,2%).
«Devant nous, nous avons une seconde étape qui va durer un an à peu près» et «qui est au fond un faux plat, c'est-à-dire qu'il y aura moins d'accidents et qu'on va continuer à remonter en pente douce», a expliqué François Villeroy de Galhau.
Un tel contexte permettra, selon lui, de ramener l'activité à son niveau d'avant la crise sanitaire d'ici au printemps ou à l'été 2022. Actuellement, la France tourne à -5% de ses capacités d’avant Covid-19.
Toutefois, François Villeroy de Galhau a tout de même prévenu que la reprise «va dépendre de la confiance des consommateurs» une fois les restrictions sanitaires levées. Il a même émis une condition à cette embellie: «L'amortissement public doit être relayé par la confiance privée.» D’autant que l’épargne des Français atteint des sommets: 200 milliards d’euros en 2020 selon la Banque de France. Et 2021 commence sur les mêmes bases, continuité de la crise sanitaire oblige.
Reste que, pour le moment, aucune date n’est connue concernant la reprise d’une vie (presque) normale. Ce 10 mars, la France est toujours sous couvre-feu à 18h et le Pas-de-Calais et les Alpes-Maritimes s’apprêtent à vivre un nouveau week-end sous cloche. Le 1er mars, alors qu’il était en déplacement dans un centre de formation aux métiers industriels à Stains, en Seine-Saint-Denis, Emmanuel Macron a expliqué lors d’un échange avec des jeunes qu’il fallait «tenir» encore «quatre à six semaines».
Tous les espoirs sont donc tournés vers la campagne de vaccination. «D’ici à la mi-mai, nous devrions avoir vacciné au moins 20 millions de personnes, soit la totalité de la population volontaire de plus de 50 ans. D’ici à l’été, nous aurons reçu suffisamment de doses pour avoir proposé la vaccination à 30 millions de personnes, soit les deux tiers de la population de plus de 18 ans», a récemment annoncé le Premier ministre, Jean Castex.
De quoi laisser entrevoir une sortie de crise plus rapide qu’envisagé en décembre dernier par Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, qui anticipait la fin de l’épidémie pour début septembre ou à l’automne 2021 quand la France comptera «une proportion importante de Français vaccinés».
Attention à ne pas s’emballer!
Ce regain d’optimisme est partagé par plusieurs professionnels du tourisme comme le rapporte Nice-Matin. Le quotidien azuréen explique qu’ils «se préparent à reprendre leur activité d’ici six à huit semaines après des mois de fermeture imposés par la crise sanitaire»: «Ils veulent y croire. Depuis plusieurs jours, restaurants, complexes hôteliers, resorts, spas et compagnies aériennes annoncent la réouverture de leurs établissements et des lignes aériennes, avec, en ligne de mire, les vacances de printemps (du 10 avril au 10 mai) et les ponts de mai, qui représentent une part non négligeable du chiffre d’affaires de l’année.»
Nice-Matin souligne ainsi que la compagnie aérienne Easy-Jet a récemment invité ses clients à réserver dès maintenant des billets vers l’Europe «pour les vacances de Pâques et les ponts de mai».
Concernant les restaurants, les représentants de la profession sont en contact avec les autorités afin de réfléchir au protocole sanitaire à mettre en place en vue d’une réouverture. «Les représentants ont alors proposé au gouvernement de revenir aux mesures sanitaires qui étaient installées jusqu'à l'automne avant le reconfinement, soit le respect d'une distance d'un mètre entre les tables et un maximum de six personnes par table», rapporte Grazia. De plus, un système de QR codes a été proposé afin de remplacer les fameux «cahiers de rappels».
Mais ce vent d’optimisme quant au retour à une certaine liberté, essentiel à la vigueur de la reprise économique, n’est pas partagé par tous. Le Pr Axel Kahn, généticien et président de la Ligue nationale contre le cancer, n’a que peu goûté la récente sortie de Gabriel Attal. Le porte-parole du gouvernement ayant évoqué «un retour à une vie plus normale [...] peut-être dès la mi-avril». «S'il n'y a pas, à un moment donné, un plan crédible et cohérent avec des perspectives claires, cela risque de devenir insupportable», a fulminé le professeur.
«Gabriel Attal a dit qu'on va sortir des difficultés au milieu d’avril. Sauf qu'il est gentil, je le connais bien et je l'aime bien, mais il a dit n'importe quoi. Personne ne peut affirmer une chose comme ça… que, le 15 avril, on pourra retourner aux concerts, mener la même vie qu'avant. Certes, on y arrivera, mais est-ce que ce sera le 15 avril? Ce n'est pas très, très probable. Oui, il faut offrir une perspective, mais qui repose sur des données de qualité», a alerté le ponte de la médecine sur BFM TV.
Autre ombre au tableau qui risque de plomber la reprise: la situation financière très compliquée de beaucoup d’entreprises. Si plusieurs secteurs trépignent à l’idée de reprendre une activité, de nombreux commerces ont été maintenus en vie grâce aux aides du gouvernement. Beaucoup, déjà très endettés, sont au bord de l’agonie. L’économiste Philippe Simonnot pointait récemment au micro de Sputnik le danger de ces «entreprises zombies»:
«Aux États-Unis, il y a eu une cascade de faillites qui a fait exploser le chômage. Mais le pays compte désormais beaucoup moins de ces entreprises zombies. Cela permet à l’économie de repartir sur des bases plus saines. Au contraire de l’Europe et de la France qui, à cause de leur stratégie, vont se retrouver encombrées.»