Le sport, talon d’Achille du Premier ministre québécois, François Legault? Son gouvernement de centre droit a beau encore récolter presque 50% d’opinions favorables, un vent glacial d’opposition commence à souffler sur son échine.
Le 7 mars dernier, une manifestation pour la reprise des sports organisés a rassemblé plusieurs milliers de personnes dans la capitale de la province, à Québec. Le défilé s’est notamment arrêté devant l’Assemblée nationale. Les estimations vont de 5.000 à 20.000 participants.
Organisée par un étudiant de 16 ans et joueur de football du nom d’Isaac Pépin, la marche s’est déroulée pacifiquement. Des pancartes brandies par des participants affichaient des slogans tels que «Libérez nos enfants» et «Le sport, c’est la santé d’une société».
«Cela fait maintenant un bon moment que les jeunes font des sacrifices. Ils ont montré beaucoup de résilience […]. Pour nombre d’entre eux, leur sport est un élément au centre de leur vie, leur permettant de garder la motivation, de vouloir se dépasser, et leur permettant de faire de l'espace mental pour apprendre», peut-on lire sur la page Facebook de l’événement.
Accompagnés de leurs parents, de nombreux jeunes arboraient les maillots de leurs équipes respectives.
«Libérez nos enfants»: les partis d’opposition muets?
Promoteur de la marche et figure bien connue du milieu sportif au Québec, Guy Bolduc s’est dit satisfait du déroulement de l’événement au micro de Sputnik. Il estime que les jeunes «ont dû faire tout le travail eux-mêmes pour envoyer leur message», dans un contexte où les trois partis d’opposition se seraient entièrement rangés derrière le gouvernement:
«Les jeunes ont fait le travail de l’opposition. […] Des gens de toutes les tranches d’âge étaient présents aujourd’hui, mais ce sont vraiment les jeunes qui ont porté la voix qu’auraient dû porter les partis politiques. […] Il est désolant de voir que presque personne ne prend leur défense. C’est anormal qu’aussi peu de débat par rapport aux mesures sanitaires ait eu lieu au Québec», déplore notre interlocuteur.
Une absence de débat qui fait mal
Le 3 mars dernier, le gouvernement Legault avait pourtant annoncé un «plan de déconfinement progressif»de certaines activités sportives, alors qu’il était bien au fait de la programmation de la manifestation. Le plan est toujours censé débuter le 15 mars et semble écarter les sports collectifs.
«Le sport, c’est important. Il n’y a rien de mieux pour faire baisser le stress», avait alors déclaré le Premier ministre provincial.
L’annonce de François Legault ne semble donc pas avoir calmé les ardeurs des opposants au gouvernement.
Pour Guy Bolduc, l’absence de débat sur plusieurs questions essentielles telles que la pratique du sport n’est pas sans conséquences au Québec.
Le climat de censure décrit par l’ancien journaliste aurait même découragé des associations et organisations sportives de prendre la défense de leur propre mission:
«Le développement des jeunes n’a pas été sacrifié par le gouvernement Legault, mais certainement oublié. […] Les gens sont comme figés. Les gens qui prennent la parole pour critiquer certaines mesures ont peur d’être exclus de l’espace public. C’est la même chose dans le monde du sport. […] C’est la peur de passer pour le complotiste de service», observe l’ex-chef d’antenne de la chaîne LCN.
Guy Bolduc estime également que le gouvernement Legault a «envoyé un message paradoxal» aux jeunes générations depuis le début de la crise sanitaire.
Par exemple, il ne s’explique pas que les points de vente de la Société québécoise de cannabis –la société d’État chargée de vendre cette drogue– soient toujours restés ouverts, alors que les jeunes sont privés de sport organisé depuis près d'un an de manière intermittente.
«Il est paradoxal de voir que des piliers de la santé comme le sport aient pu être mis de côté au nom même de la santé… Je n’aurais jamais cru voir ça. […] Le sport, ce n’est pas seulement un divertissement, mais une discipline complète qui apprend aux jeunes à composer avec les obstacles et les défaites. C’est grâce au sport que certains jeunes se rendent à l’université», conclut le spécialiste en communication.