Disposant déjà de 490 drones, les forces de l’ordre en posséderont prochainement plus du double, le ministère de l’Intérieur ayant prévu d’acheter 565 «micro-drones du quotidien» et 66 «drones de capacité nationale». Rivolier et Milton-Innovation, deux entreprises françaises, viennent d’être choisies pour ce marché, selon les informations de Mediapart.
Le choix de la place Beauvau pose toutefois question à plusieurs égards, dénonce le média. Tout d’abord, la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a sanctionné le ministère en janvier dernier pour l’utilisation illicite de drones équipés de caméras.
«Elle demande ainsi au ministère de cesser tout vol de drone jusqu’à ce qu’un cadre normatif autorise un tel traitement de données personnelles», indique le texte.
À ce titre, l’article 22 de la loi Sécurité globale devrait apporter ce cadre juridique. «Le texte prévoit d’autoriser les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale et les forces de sécurité civile à filmer par voie aérienne pour des finalités précises, ce en fixant les garanties qui assurent le respect des libertés publiques», indique la proposition de loi examinée ce mercredi au Sénat.
Choix des fournisseurs
D’après les commentaires d’experts auprès de Mediapart, le choix de ces fournisseurs interpelle. Le premier, Rivolier, est spécialisé dans les armes de chasse, les LBD et les menottes. Il avait déjà été choisi fin 2019 pour livrer 180 lanceurs de balles de défense au ministère, indique le site d’information.
Un spécialiste du secteur s’interroge sur les intentions de Beauvau.
«Le grand scoop, c’est la rencontre du drone de surveillance avec un vendeur d’armes. À quand des drones équipés de grenades lacrymo? Des drones armés de lanceurs de balles de défense? Voire des drones armés à balles réelles? Il n’y a plus qu’un pas à franchir», alerte-t-il.
Des drones chinois?
Le second, Milton-Innovation, n’est pas un constructeur de drones mais un distributeur, en particulier d’appareils de la marque chinoise DJI, indique Mediapart. Or, ces drones se trouvent sur liste noire aux États-Unis, soupçonnés de présenter une faille permettant de collecter des données personnelles. Ceux-ci équipent pourtant déjà la police parisienne.
Plusieurs concurrents ont d’ailleurs adressé une lettre au ministère en mai dernier indiquant que les critères requis ne pouvaient conduire qu’à l’achat de drones chinois.
«Malgré nos demandes, les questions de cybersécurité et de souveraineté nationale ou européenne n’ont pas été prises en compte», déplore l’un des signataires resté anonyme.
Contacté par Mediapart, le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité s’exprimer sur ce potentiel achat de drones chinois.