Une écrivaine blanche renonce à traduire une poète noire aux Pays-Bas sur fond de polémique

Face à la polémique sur l’aptitude des Blancs à traduire des textes écrits par des Noirs, l’écrivaine néerlandaise Marieke Lucas Rijneveld a décidé de renoncer à traduire un poème de la jeune prodige afro-américaine Amanda Gorman.
Sputnik

L’écrivaine et traductrice néerlandaise Marieke Lucas Rijneveld a été sélectionnée pour traduire en néerlandais le poème de la jeune auteure américaine Amanda Gorman qui a acquis une certaine notoriété après avoir récité un de ses poèmes le jour de l’investiture de Joe Biden le 20 janvier.

Marieke Lucas Rijneveld, jeune poète reconnue aux Pays-Bas, a été engagée par la maison d’édition Meulenhoff qui a acheté les droits pour la traduction du poème de Gorman «The Hill we Climb» (La colline que nous escaladons). Le poème devrait sortir aux Pays-Bas le 30 mars. Par ailleurs, le choix de la traductrice a été approuvé par Amanda Gorman et son équipe, indique l’éditeur sur Twitter.

Mais coup de théâtre le 26 février: la traductrice annonce se retirer du projet sur fond de polémique autour de son aptitude en tant que personne blanche à traduire le texte d’une personne noire.

«Je vous informe renoncer à la mission de traduire le travail d'Amanda Gorman. Je suis choqué[e] par le tollé autour de mon implication dans la diffusion du message d'Amanda Gorman et je comprends les personnes qui se sentent blessées par le choix de Meulenhoff», écrit-elle sur Twitter.

La militante qui change la donne

À l’origine de ce changement: la journaliste néerlandaise Janice Deul qui se présente comme une militante engagée dans les domaines de la mode et de la culture. D’après elle, Marieke Lucas Rijneveld n'est pas la personne la mieux placée pour traduire la poésie d'Amanda Gorman. C’est «un choix incompréhensible, à mon avis et celui de beaucoup d'autres qui ont exprimé leur douleur, leur frustration, leur colère et leur déception via les médias sociaux», écrit la journaliste dans une tribune publiée par le média de Volkskrant le 25 février.

Selon la militante, qui a aussi la peau noire, la traductrice «n'a aucune expérience dans le domaine», c’est-à-dire que son travail et sa vie ne sont pas «colorés par ses expériences et son identité de femme noire».

«Pourquoi ne pas opter pour un écrivain qui - tout comme Gorman - est un artiste de la création parlée, jeune, femme et sans vergogne, noire?» lance-t-elle, soumettant 10 candidatures de femmes noires capables selon elle de mener ce projet à bien.

Épilogue

Le lendemain de la parution de cet article, Marieke Lucas Rijneveld annonce renoncer à son projet. Pourtant, la maison d'édition Meulenhoff soutient qu’Amanda Gorman et son équipe ont accepté la candidature de Rijneveld parce que toutes les deux sont des personnes qui n’ont pas peur de s'exprimer et de lutter pour une société inclusive. Pour autant, l’éditeur a fait savoir qu’il cherchera une autre équipe de traduction.

Amanda Gorman n’a pour l’heure pas réagi face à cette polémique.

Marieke Lucas Rijneveld a reçu une reconnaissance internationale en 2020. Elle est devenue la plus jeune auteure à avoir remporté le prix international Booker avec son œuvre «De avond is ongemak» (Le déconfort du soir). Elle se présente comme une personne non-binaire.

Amanda Gorman est une jeune poète et activiste afro-américaine. Elle est l’auteure du recueil de poésies «The One for Whom Food Is Not Enough» (La personne pour qui la nourriture ne suffit pas ). Le jour de l’investiture de Joe Biden, elle a lu son autre poème «The Hill we Climb». Certains de ses livres sont des best-sellers aux États-Unis. Amanda Gorman traite de l’oppression, du féminisme, de la marginalisation et de l’appartenance à une diaspora africaine.

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