La décision était très attendue. Elle est tombée comme un couperet. La 32e chambre du tribunal judiciaire de Paris a rendu son jugement ce lundi 1er mars dans l’affaire dite «des écoutes». Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable, avec Thierry Herzog et Gilbert Azibert, de corruption et de trafic d’influence. L’ancien Président est condamné à trois ans d’emprisonnement dont un an ferme. Il pourra purger sa peine à domicile avec un placement sous surveillance électronique. L’ex-chef de l’État a dix jours pour faire appel, ce qu’il envisage de faire, selon son avocate.
Pour l’avocat Georges Sauveur, interrogé par Sputnik, «baser une accusation, en termes de preuves, sur des écoutes illégales» est un procédé extrêmement dangereux, justifié aujourd’hui par «l’idée que le camp du Bien doit l’emporter». À n’importe quel prix.
Une affaire de principe
L’affaire des «écoutes» remonte à 2014. Elle s’inscrit à la suite de l’affaire Bettencourt. L’ancien Président de la République faisait l’objet d’écoutes judiciaires dans le cadre d’une instruction sur les soupçons d’un financement libyen de sa campagne de 2007.
Les magistrats découvrent alors que, afin de s’entretenir avec son avocat Thierry Herzog, Nicolas Sarkozy s’est procuré deux téléphones portables sous le nom de Paul Bismuth. Au cours de ces échanges secrets, enregistrés et retranscrits, l’accusation établit que Sarkozy a cherché à obtenir des informations confidentielles auprès de l’ancien premier avocat général près la Cour de cassation, Gilbert Azibert.
Georges Sauveur se refuse à «évoquer le fond de l’affaire». À ses yeux, peu importe si «les faits sont établis ou pas», les moyens employés par la justice sont condamnables en eux-mêmes.
«Placer sur écoute un client et son avocat revient à utiliser des méthodes de voyous. Il fut un temps où les magistrats eux-mêmes auraient été outrés que de tels procédés puissent être justifiés. User de l’argument “pratique” pour valider ces écoutes est hautement problématique», s’inquiète-t-il.
Les avocats des trois condamnés ont plaidé l’illégalité d’écoutes qui violeraient selon eux le secret professionnel des échanges entre un avocat et son client.
Les conversations captées par les juges auraient révélé à la justice la volonté de Nicolas Sarkozy de récupérer son agenda saisi dans l’affaire Bettencourt pour laquelle l’ancien chef de l’État avait été relaxé. En contrepartie, Nicolas Sarkozy aurait promis au magistrat Gilbert Azibert un poste à Monaco. Les avocats de la défense avancent que ni Nicolas Sarkozy ni Gilbert Azibert n’auraient eu gain de cause. Les agendas n’ont pas été délivrés à l’ancien Président, Gilbert Azibert n’a pas été promu.
Politisation ou moralisation de la justice?
Au mois de novembre, au bout de trois semaines de procès, le parquet national financier a considéré que Nicolas Sarkozy, son avocat et Gilbert Azibert avaient bien passé un «pacte de corruption». La même peine de quatre ans d’emprisonnement dont deux fermes avait été requises pour les trois hommes, assortie pour l’avocat Thierry Herzog de cinq années d’interdiction professionnelle. Le tribunal correctionnel a donc estimé ce lundi 1er mars que le «pacte de corruption» avait bien été conclu entre les trois hommes. Pour Georges Sauveur, cette condamnation révèle un basculement sociétal qui veut que «le Bien justifie toutes les atteintes aux libertés».
«La crise sanitaire et la loi Avia ont révélé au grand public une multiplication des atteintes aux libertés. Et cela se fait toujours au nom du Bien. Dès lors, tous les moyens sont permis. La justice s’aligne, elle aussi, sur ce mouvement de fond», plaide l’avocat.
Notre interlocuteur rappelle que la règle de droit doit être «absolue et générale». Et la morale, au nom du Bien, ne saurait, selon lui, guider les magistrats dans leur condamnation. Plus qu’une politisation des magistrats, l’affaire «des écoutes» aurait surtout mis à jour une «moralisation de la justice».