Ivan Rioufol: «Les Français sont prêts à renoncer à une grande partie de leurs libertés au prix de leur sécurité»

Passeport vaccinal, couvre-feu national, état d’urgence sanitaire, confinements localisés… Face au Covid, les mesures de «freinage» de l’épidémie se multiplient. Au micro de Sputnik, l’éditorialiste Ivan Rioufol se dit inquiet des dérives «liberticides» des gouvernants face au virus.
Sputnik
«Le terme de “dictature sanitaire” peut s’appliquer à la France dans la mesure où elle a multiplié les procédures d’urgence sanitaire qui ont donné prétexte à l’État pour éliminer tous les contre-pouvoirs!» s’insurge Ivan Rioufol.

L’éditorialiste du Figaro craint une normalisation des suppressions de libertés face à la pandémie de Covid. En effet, le 15 février dernier, le Parlement a prolongé l’état d’urgence sanitaire jusqu’en juin prochain. Une semaine plus tard, le 22 février, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, déplorait que l’épidémie soit utilisée comme un «prétexte» par certains États pour «réprimer» leurs peuples et «abolir les libertés fondamentales». Le même jour, Michelle Bachelet, haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, dénonçait à son tour «les restrictions illégitimes des libertés publiques et l'utilisation excessive des pouvoirs d'urgence» dans la gestion de l’épidémie.

«Je n’ai pas l’habitude d’applaudir les discours de l’ONU, car cette vision “mondialiste” n’est pas tout à fait la mienne, mais je dois reconnaître qu’ils ont visé juste cette fois-ci», approuve Ivan Rioufol.

Entre confinements localisés, fermeture des commerces dits «non essentiels» et couvre-feu national, les libertés accordées aux Français se sont réduites comme peau de chagrin. «Sauver des vies, d’accord mais à quel prix? On se rend compte que le remède est pire que le mal: on voit bien les désastres psychologiques, sociaux, économiques et culturels que cela produit», s’insurge l’essayiste.

«Somnambulisme» des Français

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Alors que les confinements localisés semblent être l’option privilégiée par l’exécutif afin d’éviter un lockdown national, le couvre-feu à 18h et les fermetures de bars, restaurants, cafés, musées et salles de spectacle et de sport paraissent durer ad vitam æternam. Ce lundi 1er mars, en marge de son déplacement à Stains, Emmanuel Macron a déclaré qu’il fallait «tenir encore quatre à six semaines» avant une éventuelle levée du couvre-feu. «Je ne suis pas convaincu de l’efficacité du couvre-feu et du confinement pour lutter contre l’épidémie», glisse Rioufol. Et le journaliste de s’étonner de la résilience de la population eu égard aux restrictions qui lui sont imposées:

«Malheureusement, l’insurrection que l’on voyait naître [lors de la crise des Gilets jaunes, ndlr] s’est vite résorbée. Je déplore une grande apathie et une forme de somnambulisme d’une grande partie de la population française, tétanisée par la peur artificielle créée par le pouvoir avec cette crise sanitaire».

L’essayiste regrette que le gouvernement «instrumentalise la peur par un discours totalement anxiogène», lequel serait d’après lui «profondément néfaste pour la démocratie». Dernier exemple en date, le passeport sanitaire, dont la généralisation ne semble guère faire de doute. Le 25 février dernier, Emmanuel Macron a franchi une première étape en évoquant pour la première fois la création d’un «pass sanitaire» dont les contours sont pour le moment vagues. La démarche pourrait revenir à conditionner l’accès aux bars, restaurants et commerces à la présentation d’un test négatif récent, par exemple. «On va demander aux gens de s’enregistrer numériquement. […] C’est un sujet important et il faut le préparer dès maintenant techniquement, politiquement, juridiquement», une autre option indiquée par le Président de la République.

Le passeport vaccinal, une «atteinte aux libertés fondamentales»?

L’opposition redoute que ce «pass» soit un avant-goût du passeport vaccinal, une possibilité que l’exécutif dément fermement jusqu’à présent. «Qu’à l’intérieur du pays, on veuille enregistrer tous les Français, avoir leurs conditions de santé et que, pour circuler […], on soit obligé de montrer patte blanche, je le combattrai de toutes mes forces», a par exemple tempêté ce dimanche 28 février sur Europe 1 Nicolas Dupont-Aignan, quand le député LR Julien Aubert a de son côté fustigé un système «pervers» sur Twitter.

L’Union européenne semble en tout cas décidée à imposer une certification vaccinale aux pays membres. Ce lundi 1er mars, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a annoncé que ses services allaient présenter en mars une proposition législative pour coordonner la création d’un passeport vaccinal. Angela Merkel a d’ores et déjà annoncé que des passeports vaccinaux seraient rendus disponible «avant l’été» dans l’UE, tandis que les détenteurs d’un «passeport vert» en Israël peuvent désormais reprendre une vie normale. La Suède et le Danemark ont déjà mis en place, pour leurs ressortissants, des certificats électroniques destinés aux voyages à l’étranger.

Une mesure «hypocrite» pour imposer la vaccination à tous selon Ivan Rioufol, qui voit dans le sésame sanitaire une «atteinte aux libertés fondamentales s’il devait être imposé».

Pourtant, selon un sondage de l’Ifop paru le 25 février dernier, 61% des Français se disent favorables à l’idée d’une vaccination obligatoire pour se rendre à l’étranger.

Concernant les pratiques du quotidien, un Français sur deux estime que la vaccination devrait être rendue obligatoire pour autoriser l’accès aux écoles, cinémas, salles de spectacle, transports en commun ainsi qu’aux lieux de travail. «Les Français sont prêts à renoncer à une grand partie de leurs libertés essentielles au prix de leur sécurité», commente Rioufol.

«J’en suis à espérer qu’une insurrection civique élémentaire de survie puisse survenir. Mais, pour l’instant, elle n’est pas là», regrette l’essayiste.
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